[fr] La découverte de la Domus aux Bucranes, une maison tardo-républicaine remarquablement bien conservée dans les couches les plus profondes du site de la Schola del Traiano à Ostia Antica , a permis le développement d’un projet de recherche interdisciplinaire portant sur le système décoratif de IIe style (pavements, enduits peints et reliefs de stuc) mis en œuvre à l’embouchure du Tibre, au cours du Ier s. av. J.-C.
Outre son état de conservation exceptionnel, qu’il s’agisse d’éléments retrouvés in situ ou intégrés sous la forme de fragments dans les couches de remblais liés aux chantiers successifs, le système décoratif de la Domus aux Bucranes se distingue par la qualité des matériaux utilisés aussi bien que par la très grande maîtrise technique et artistique des ateliers alors sollicités. Fait remarquable : la fouille et l’étude de la stratigraphie de ce gisement a permis de restituer une séquence chronologique très précise concernant les phases de construction (60-50 av. J.-C.) et de destruction (30-20 av. J.-C.) de la domus, ainsi qu’une phase de restructuration intermédiaire (40-30 av. J.-C.) limitée à quelques pièces seulement. Si la destruction précoce de l’édifice a favorisé la conservation des pavements, ainsi que des enduits peints et des reliefs de stucs , la succession de deux phases de décoration durant le temps d’une même génération livre des informations de toute première importance quant à l’évolution du IIe style en Italie centrale, dans ses formes esthétiques aussi bien que dans ses compositions chimiques, au cours du deuxième tiers du Ier s. av. J.-C.
De ce fait, en complément des traditionnelles études archéologiques et stylistiques, des analyses archéométriques ont été portées sur une partie significative du matériel sous enquête. Une telle démarche n’avait jamais encore été entreprise à Ostia Antica - sur des éléments en contexte aussi anciens - et les résultats obtenus, en cours d’interprétation , composeront une base de données de référence pour l’étude d’autres ensembles contemporains à Rome et ses environs. Nous en livrons ici les prémices, en limitant toutefois nos réflexions sur l’une des pièces restructurées et décorées durant la phase intermédiaire (40-30 av. J.-C.), l’« œcus des nains », ainsi nommée du fait de la nature des personnages mis en scène sur la frise peinte qui dominait la composition de cette pièce hors du commun.