Liguarum diversitas. Réflexions sur l’expérience de l’alloglossie dans l’Antiquité gréco-romaine

Comment est-on passé d’un monde grec essentiellement monoglotte à un environnement gréco-romain polyglotte ? Alors qu’ils se sont montrés très curieux envers les coutumes des autres peuples, pour ce qui regarde les langues étrangères, les Grecs ont limité leurs enquêtes à l’origine du langage et n’ont guère éprouvé de la curiosité que pour les mots exotiques, pas pour le système des parlers étrangers C’est que, pour les Grecs, tous les autres peuples étaient des barbaroi, c’est-à-dire des « balbutiants », parlant un langage assimilable au babil des oiseaux. La conscience de la diversité des langues existe pourtant. Les Grecs prennent progressivement conscience de la pluralité linguistique qui les environne et font l’expérience de l’alloglossie. Les Romains feront de même à leur suite. Hérodote est attentif aux parlers étrangers qui entourent le monde grec et accorde aussi une importance à la différenciation dialectale à l’intérieur de la Grèce. Malgré l’ouverture consécutive aux conquêtes d’Alexandre, le préjugé défavorable des Grecs vis-à-vis des langues étrangères aura la vie longue. Ce n’est pas sans difficulté que les Grecs finiront par reconnaître au latin un statut différent de celui des autres langues. La diffusion du christianisme dans l’Empire romain contribua à l’ouverture vers les langues autres que le grec et le latin, mais ce changement de perspective n’aura véritablement lieu qu’à la fin de l’Antiquité.