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Unpublished conference/Abstract (Scientific congresses and symposiums)
Le “travail” de l’amateur : plaisir, légitimité et rémunération
Hurel, Pierre-Yves
2019Les mondes professionnels (Journée d’étude)
 

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Keywords :
jeu vidéo; amateurisme; pratique culturelle
Abstract :
[fr] Malgré ses nombreuses techniques – logiciels de création, ROM Hacking, modding, éditeurs de niveaux, programmation, jeux vidéo créatifs – et ses nombreuses communautés dédiées, le jeu vidéo amateur reste relativement peu médiatisé au sein de la culture vidéoludique. L’objectif de cette communication sera d’interroger l’idée que cette marginalité soit le fait d’une « zone d’ombre » - l’industrie captant toute la lumière possible. Nous proposerons une conception du travail de l’amateur comme relevant d’une ambivalence entre une logique de production et une logique de dégustation-projection – qui permettra de relativiser la domination symbolique subie par le jeu vidéo amateur. Si le champ académique a tardé à s’intéresser au jeu vidéo amateur, le domaine est maintenant assez dynamique. Les sciences de l’éducation (Gee et Tran 2016, Burke et Kafai 2014) cherchent à déterminer comment la création en amateur peut être utilisée à des fins pédagogiques. Le deuxième domaine la plus importante relève des fan studies et consiste à interroger la création en amateur en tant que moyen d’exploitation des joueurs (Hong 2013), ou au contraire comme une forme de résistance culturelle (Vanderhoef 2016) – certaines études réussissant à rester à mi-chemin de ces deux orientations (Sotamaa 2007). D’autres recherches, à visée plus historique, permettent de rendre compte de l’impact des amateurs sur la constitution d’industries locales (pour le cas Français, voir Sidre 2014 et 2015). Cependant, à part quelques études portant sur les motivations, peu de recherches se sont consacrées à étudier plus en profondeur la pratique de création de jeu vidéo en amateur. C’est ce que nous cherchons à faire dans notre travail de thèse en cours, dont le cœur méthodologique est constitué pour l’heure de 22 longs entretiens compréhensifs. Au cours de notre enquête de terrain, nous avons rencontré des créateurs se situant de diverses manières quant à un possible avenir professionnel. D’abord, il y a le plus attendu (car le plus documenté), l’amateur qui souhaite « passer pro », qui conçoit ses jeux de manières à en faire une vitrine dans l’espoir de se faire repérer ou bien de profiter d’un petit succès pour monter une affaire. Ensuite, à l’opposé du continuum, il y a l’amateur qui souhaite le rester car n’agissant que par passion et qui, d’une certaine manière, ne comprend même pas qu’on puisse se poser cette question : il s’agit là d’une pratique culturelle qui n’a rien à voir avec le monde professionnel. Pour cet amateur-là, l’industrie est aussi souvent un repoussoir : ses méthodes de travail et son aspect concurrentiel sur le marché économique représentent, pour nos informateurs, le risque de corrompe la passion. Au-delà d’une catégorisation des cas particuliers, nos analyses qualitatives nous invitent à concevoir ces positionnements comme des processus qui cohabitent chez les mêmes individus et avec lesquels ils doivent négocier. D’une part, la création en amateur est animée par une logique de production et d’efficacité – c’est ce qui le rapproche le plus du jeu vidéo professionnel. Les forums sont d’ailleurs remplis de conseils pour aider les jeunes recrues à terminer leur projet (écrire un game design document, évaluer ses ressources, sa motivation, un projet d’envergure raisonnable, etc.). D’autre part, la création en amateur est (souvent en même temps) vécue comme une passion : il s’agit d’être amateur au sens d’aimer les jeux vidéo. La création d’un jeu est alors animée par une logique de dégustation – il s’agit de produire des affects, des émotions, des affinités, bref de se faire sentir. Il y a dans cette dégustation une dimension proprement intime et personnelle que l’amateur, par l’acte même de dégustation créative, projette dans une création finale. Le « produit » obtenu est alors décrit comme secondaire, voire accidentel (c’est l’acte posé qui compte). Ces deux logiques sont en partie contradictoire parce qu’elles impliquent un rapport au temps particulièrement différent : soit il s’agit de discipliner et de rationaliser le temps productif, soit il s’agit au contraire d’être à l’écoute de ses ressentis au moment présent pour agir (goûter) en fonction. D’autre part, elles revendiquent toutes deux la priorité : s’agit-il d’abord de finaliser une création coûte que coûte, ou au contraire de se faire sentir quelque chose ? Ces questions, nos informateurs se les posent régulièrement et, selon le moment de leur trajectoire, y répondent en bricolant divers systèmes de rémunération et de légitimation en mêlant gratuité, consécration symbolique, dons monétaires et marchés de niche. Plutôt qu’une zone d’ombre, ils forment ainsi une zone grise dans laquelle ils cherchent à aménager des dispositifs qui leur permettraient à la fois de vivre leur passion et, parfois, d’en vivre. Ils tendent ainsi un miroir critique à l’industrie, la désignant comme système dans lequel il y aurait trop peu de place pour l’affect intime et où il n’y aurait rien à dire, rien à créer, de personnel.
Disciplines :
Communication & mass media
Author, co-author :
Hurel, Pierre-Yves ;  Université de Liège - ULiège > Département médias, culture et communication
Language :
French
Title :
Le “travail” de l’amateur : plaisir, légitimité et rémunération
Publication date :
23 May 2019
Event name :
Les mondes professionnels (Journée d’étude)
Event organizer :
Experice
Event place :
Paris, France
Event date :
23 mai 2019
By request :
Yes
Commentary :
Programme de la journée disponible plus bas (url)
Available on ORBi :
since 15 July 2020

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