Abstract :
[fr] 1. La liberté contractuelle constitue indéniablement l’un des éléments centraux de notre droit des obligations. Elle formait, avec le principe de la convention loi , l’un des traits essentiels du Code Napoléon, aujourd’hui encore source principale de notre droit des contrats, R. SAVATIER voyant même dans « la plénitude de la liberté des contrats » l’un des trois piliers supportant toute la construction du Code .
Malgré son rôle central, cette liberté s’est cependant, à partir de la fin du 19ème siècle, vue imposer d’importants tempéraments. Aux exigences de conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs sont ainsi, dès la fin de ce siècle et au cours du siècle suivant, venus s’ajouter de nouveaux corps de normes destinés à assurer la protection des certains catégories de contractants, victimes des abus auxquels peut conduire la liberté contractuelle. Au premier rang de celles-ci figurent les travailleurs salariés, confrontés à la dureté de la société industrielle naissante.
Si les normes destinées à protéger les travailleurs font aujourd’hui l’objet de critiques , les dernières décennies ont, dans ce cadre, vu l’adoption d’un grand nombre de normes impératives ou d’ordre public destinées à protéger de nouvelles catégories de parties considérées faibles, au premier rang desquelles figure le consommateur. Ces normes constituent, compte tenu de leur champ d’application étendu, une limitation particulièrement remarquable de la capacité des parties à convenir librement des termes de leurs conventions. Elles interrogent partant directement le principe de la liberté contractuelle .
Alors que l’heure est à la réforme de notre droit des obligations , faut-il dès lors voir dans l’effervescence législative actuelle le coup de grâce porté à la liberté contractuelle ? Il semble qu’il n’en soit rien.
Comme nous l’exposerons dans les lignes qui suivent, si certains des postulats du législateur de 1804 sont aujourd’hui, et de longue date, remis en cause, la plupart des interventions législatives récentes paraissent en effet vouloir réserver une place importante à l’initiative individuelle. Elles tendent non pas à contrevenir à la loi du marché, qui suppose un certain degré au moins de liberté, mais à la parfaire. Elles se distinguent de la sorte, par leur nature, des initiatives législatives plus anciennes, davantage basées sur un rejet de la logique de marché. Contrairement à ce que la multiplication récente des normes destinées à assurer la protection de la partie faible ne laisse paraître, la liberté contractuelle semble dès lors conserver (et, même, dans une certaine mesure, recouvrer) le rôle central qui a été le sien.
Nous verrons enfin que bien qu’il consacre la théorie de la lésion qualifiée , le récent projet de réforme de notre droit des obligations ne paraît pas remettre en cause la dynamique actuelle. Si cette consécration ouvre certaines possibilités, les strictes conditions d’application du mécanisme en limitent en effet la portée. Il semble partant exclu d’y voir la volonté de tempérer, autrement qu’à la marge, la liberté des parties.