Les discours politiques comme registres textuels : une approche linguistique

Il existe une longue tradition de recherches linguistiques sur le discours politique depuis différentes perspectives théoriques, parmi lesquelles l’analyse critique des discours (cf. Fairclough & Fairclough 2012, Wodak 1989), les approches lexicométriques (cf. Mayaffre 2005, 2016) ou encore les approches cognitivistes des métaphores (cf. Charteris Black 2011, Musolff 2016). Dans ces études, les corpus mobilisés émanent majoritairement des élites politiques (débats présidentiels, discours électoraux,…), laissant d’autres formes de discours politiques, comme les discours médiatiques portant sur des sujets politiques ou les discours citoyens sous-représentés. Comme le suggère Bougher (2012 :149): “while research on metaphors in political discourse has flourished in recent years, the focus on elite communication has left metaphor’s wider capacity as a reasoning tool for citizens underexplored”. Dans la lignée de cette constatation, Perrez & Reuchamps (2015) ont démontré que les métaphores jouaient en effet un rôle prépondérant dans la manière dont les citoyens parlaient du fédéralisme belge, confirmant par là-même l’intérêt d’étudier ce type de discours.

Plus largement, ceci pose la question de ce qui constitue un discours politique. Dans quel mesure le discours politique peut-il être considéré comme un genre discursif indépendant ? En quoi diffère-t-il d’autres genres discursifs ? Quelles en sont les caractéristiques formelles et contextuelles ? Doit-on le considérer comme un genre uniforme, ou une catégorie regroupant plusieurs sous-genres?

Dans ce contexte, notre étude poursuit un double objectif: d’une part, nous présenterons les résultats d’une analyse bibliométrique visant à vérifier l’hypothèse selon laquelle les corpus émanant des élites sont surreprésentés dans les études linguistiques. D’autre part, nous nous intéresserons aux caractéristiques formelles de trois sous-genres de discours politiques (débats parlementaires, débats dominicaux et corpus citoyens) afin d’évaluer dans quelle mesure ces discours sont linguistiquement divergents. Ces deux axes devraient nous permettre de mieux délimiter les contours de ce qui pourrait constituer le genre politique.