Abstract :
[fr] Depuis 1993, une disposition explicite de la loi organique des CPAS limite l’aide sociale aux personnes qui séjournent légalement en Belgique (Loi du 8 juillet 1976, Art. 57§2). Pourtant, de nombreux recours sont introduits devant les juridictions du travail par des étrangers en séjour illégal invoquant des exceptions prétoriennes développées par les juridictions belges sur le fondement du droit à la dignité humaine tel que consacré par l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976 et l’article 23 de la Constitution, d’une part, et par les juridictions internationales (la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme, par exemple), d’autre part. Basé sur une enquête ethnographique, qui repose sur des observations et des entretiens dans plusieurs juridictions de Belgique francophone, cet article revient sur la manière dont les magistrats envisagent leur rôle, traitent les dossiers et prennent leurs décisions dans un contexte où l’aide sociale est en partie liée aux politiques migratoires et à la manière dont elles sont mises en œuvre par les administrations belges. Il examine la place de la preuve, des doutes, des émotions et du contexte social et politique dans le travail quotidien des juges. Ces éléments montreront comment les décisions judiciaires sont « construites », à travers, notamment, la manière dont les magistrats mobilisent le droit pour produire des effets sociaux ou politiques – dans ce cas, pour changer les pratiques des administrations publiques. Cet article permettra aussi de réfléchir à ce que « fait » la politique migratoire au travail des juridictions sociales.