Abstract :
[fr] Quelles sont les raisons du regain d’intérêt contemporain pour les théories de N. Elias ? Dans le numéro de la prestigieuse revue Vingtième Siècle,
numéro entièrement consacré au sociologue, Quentin Deluermoz propose plusieurs explications(1). Selon lui, N. Elias est d’abord un intellectuel « total », au
« système d’interprétation à l’échelle d’une sociologie à la Weber, d’une théorie
à la Marx, ou d’une proposition analytique à la Freud »(2). En outre, la pensée
de N. Elias s’est avérée pionnière ou très en avance sur son temps dans de
nombreuses disciplines, ce qui explique qu’aujourd’hui l’œuvre de N. Elias soit
redécouverte dans d’autres domaines que la sociologie.
Ces considérations valent pour l’une des facettes les moins étudiées de son
œuvre : son analyse des relations internationales et du dépassement progressif de
l’État. En 1939, pourtant à la veille de l’Holocauste et de la destruction mutuelle
des États européens, N. Elias prévoyait que des « unités de domination plus englobantes naîtront peut-être de ces combats »(3) car « derrière les tensions au niveau
continental se dessinent, en partie déjà engagées, les tensions du niveau suivant.
On aperçoit les premiers contours d’un système de tensions aux dimensions du
globe, comprenant des fédérations d’États, des unités supranationales »(4). L’histoire confirmera ses hypothèses : alors que la guerre touche à sa fin, les premières
tentatives d’intégration en Europe se mettent en place, plus ou moins fructueuses
et à plus ou moins grande échelle, marquant ainsi le début du processus d’intégration supranationale du continent européen, avec ses avancées comme ses reculs.
Cet article a pour objectif de montrer l’actualité de la pensée de N. Elias
à travers la question de l’intégration européenne. Pour ce faire, cet article s’articulera autour de la présentation de deux axes qui font l’originalité de la pensée
de N. Elias : sa méthode analytique et son analyse de la concurrence politique
comme moteur du dépassement de l’État. Une dernière partie présentera les
limites et critiques de ses théories. Différents cas de figures historiques ainsi
que de nombreux exemples contemporains illustreront les thèses de N. Elias. Il
s’agit, à travers ces exemples, de montrer les possibilités d’application concrète
de ses théories sur le supranationalisme tant dans le domaine de l’histoire, de
l’économie, du droit, ou de la science politique.