Abstract :
[fr] L’État est une structure cognitive qui s’inscrit dans des dispositifs concrets : sSi les discours politiques contribuent à définir les conceptions légitimes et mobilisables pour justifier un certain exercice du pouvoir, c’est au niveau de leurs traductions pragmatiques au sein des dispositifs de gouvernement que se donne à lire une certaine « théorie de l’action » qui propose et légitime le problème politique à résoudre et les modalités d’ intervention publique [Rose & Miller, 1992].
La Belgique est, depuis les cinq dernières décennies, engagée dans un double processus de transformation (fédéralisation et européanisation) où les entités fédérées se sont construites au fil d’interactions sociales historiquement situées suivant des dynamiques propres, formant aujourd’hui des « espaces politiques » (Piron 2018) distincts, au point que le territoire belge présente aujourd’hui deux régimes politiques d’enseignement supérieur et de recherche (ESR).
Les régions et communcautés ont hérités des des compétences en matière de recherche, de soutien aux technologies, d’innovation, d’économie et d’enseignement supérieur ainsiq que d’institutions et d’instruments politiques élaborés pendant la période unitaire de la Belgique. Ces espaces Flandre et Wallonie- Bruxelles ont eu l’opportunité de prendre différentes trajectoires en matière de politique de R&I.
Une analyse socio-historique de ces deux régimes doit intégrer la dynamique de construction conjointe des territoires d’intervention et des logiques d’action publique que donnent à voir la traduction des discours politiques dans des dispositifs concrets de financement et de métrologie (Charlier 2017).
Dans les deux régions, le discours de référence des chercheurs et des universités exprime un engagement des acteurs pour la recherche d’excellence dans un cadre international, soulignant le poids des prescriptions prescriptions générales et peu formalisées, mobilisant des idées
considérées comme légitimes des organisations internationales telles que l’OCDE ou la Commission européenne (Godin 2002). Seule la Flandre prendra le pari de formaliser ces « règles institutionnelles » (Meyer et Rowan, 1977) en les traduisant dans un dispositif politico-administratif particulièrement contraignant en matière de suivi et d’évaluation de la recherche, imposant
Alors que ces deux territoires se positionnent dans l’espace européen de la recherche, en ligne avec les déclarations de la Commission européenne qui impose un certain « ordre moral » comme cadre de pensée et d’action, ce projet est formulé dans deux environnements politiques mobilisant des projets collectifs très différents. Dès lors, recourir à une approche comparée permet de mettre en évidence des mécanismes d’ajustement complexes. Alors que les acteurs politiques francophones ont longtemps maintenant une logique de « liberté subsidiée » au cœur de leur politique ESR, les autorités flamandes – avec l’accord des élites universitaires - choisissent de prendre appui de façon stratégique sur les universités qu’elles subsidient pour consolider le projet politique du territoire émergent: se positionner comme une région « leader » de la nouvelle économie.
L’analyse en se basant sur les travaux de Charlier 2017 et Fallon 2010 montre comment chaque région mobilise une certain « imaginaire sociotechnique » (Jasanoff et Kim 2009, 2015) qui lui est propre pour « mobiliser la science et l’innovation au profit d’un projet collectif et orienté vers l’avenir » (Charlier 2017 :55).
cette approche comparée contribue à mettre au jour les dynamiques spécifiques de normativité au cœur des dispositifs d’évaluation qui constituent des formes de gouvernementalité [Foucault, 1994] prenant appui sur l’engagement des acteurs concernés.
Notre intervention propose une analyse comparée de ces transformations des régimes de la politique universitaire, dans une approche sociohistorique mettant en évidence à la fois la stabilité et la plasticité des instruments et des institutions face à l’accélération de l’internationalisation du secteur et à la mise en place de nouveaux projets politiques régionaux.
