Abstract :
[fr] Cette présentation portait sur la description de l’éveil amoureux de deux personnages de Gerard du Frattre : la sarrasine épique Gracienne et Roland. Dans ce récit guerrier aux accents galants, l’irruption du sentiment amoureux se mêle en général à une pudeur touchante, ou bien à un malaise comique. Dans les deux cas, les joues des personnages s’empourprent sous l’effet de l’émotion ressentie. Ces dispositifs sont en fait particulièrement propices au renouvellement à la fois narratif et stylistique du vieux matériau épique que Jean de Gouttes décrivait comme marqué par un « style sans aulcun fard de rethorique » dans sa préface au Roland Furieux (Lyon, Sulpice Sabon pour Jean Thélusson, 1544). Dans Gerard du Frattre, la naissance de l’amour permet d’enchâsser dans les anciennes légendes des personnages mythologiques et un lexique raffiné, par le biais d’un motif structuré autour de l’enchaînement de cinq éléments récurrents : silence, intervention mythologique, (re)naissance de l’amour, érubescence, discours direct en vers. La passion déclenchée par les flèches de Cupidon engendre un changement de registre, un basculement vers une prose poétique, rehaussée d'hapax, de "néologismes éphémères" (selon l'expression de Chr. Marchello-Nizia, 1997, p. 453), de latinismes et de mots rares, introduisant elle-même des passages versifiés. Dans un contexte d’illustration de la langue française, les aspects linguistiques et, surtout, lexicaux de ces scènes de Gerard du Frattre semblent particulièrement riches d’enseignements. À cet égard, nous souhaiterions mettre en perspective la rhétorique de ces sections par rapport à des passages d’autres récits en prose avec lesquels Gerard du Frattre possède une parenté textuelle : le Myreur des Histors de Jean d’Outremeuse (1399) et Les Illustrations de Gaule et singularitez de Troye de Jean Lemaire de Belges (1511).