Abstract :
[fr] Le présent ouvrage fait suite à celui paru en 2002: «La politique agricole
commune des origines au 3e millénaire», auquel il se réfère fréquemment (LEDENT,
BURNY, 2002).
Dans le temps, il couvre en partie les périodes de programmation et financières
2000-2006 et 2007-2013.
Dès le 29 septembre 2003, la Communauté a adopté une réforme fondamentale
de la PAC dite «révision de la PAC à mi-parcours». Cette révision instaure un
paiement unique (ou direct) par exploitation de l'Union européenne, indépendant
de la production et lié au respect de normes en matière d'environnement, de santé
publique, de santé des animaux et des végétaux, de bien-être des animaux et de
bonnes conditions agricoles et environnementales ("écoconditionnalité"). La
révision renforce la politique de développement rural, qu'elle dote de moyens
financiers accrus. En outre, elle opère une réduction des paiements directs
("modulation") attribuables aux exploitations et atteignant au moins 5.000 euros
par année, afin d'être en mesure d'accroître le financement du développement rural.
Un événement majeur enregistré au début du siècle réside en une vague
d'adhésion de 12 pays à l'Union européenne:
- au 1er mai 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne,
République tchèque, Slovaquie, Slovénie;
- au 1er janvier 2007: Bulgarie, Roumanie.
En élargissant l'Union à tant d'États, on la fait évoluer vers une zone de libre-
échange; on s'écarte indubitablement du fédéralisme, auquel aspiraient, rêvaient
la plupart des pères fondateurs de l'Europe et bien d'autres citoyens. Cette
évolution est appréciée des États-Unis d'Amérique et de certains États membres:
Royaume-Uni, Suède, Malte, Danemark, Pays-Bas, République tchèque, ...
La réglementation régissant la PAC est particulièrement abondante et
complexe bien que la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne
(dénommé auparavant Conseil des ministres) s'attachent à sa simplification
sur le plan législatif. Le règlement (CE) n°1234/2007 du 22 octobre 2007, dit
règlement «OCM unique», portant organisation des marchés dans le secteur
agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce
secteur (JO L 299 du 16.11.2007, 149 pages) est le fruit de longs efforts ; il était
attendu. À mesure que la législation en matière d'organisation des marchés est
modifiée ou complétée, le règlement OCM unique est mis à jour.
Le règlement (CE) n° 1782/2003 (voir chapitre 1) prévoit le calcul du
paiement unique (aides directes) aux agriculteurs en recourant à la méthode
historique ou à la régionalisation du régime de paiement. En vue de l'application
de ces méthodes, il est fixé un montant de référence qui est la moyenne sur
trois ans (2000, 2001 et 2002) des montants totaux des paiements accordés à un
agriculteur. Pour chaque État membre, le total des montants de référence ne peut
être supérieur au plafond national. Dans l'application de la méthode historique
proprement dite, le montant de référence est spécifique à chaque agriculteur.
Au plus tard le 1er août 2004, un État membre pouvait décider de mettre
en œuvre le régime du paiement unique prévu à l'échelle régionale. Il devait définir
les régions selon des critères objectifs et en respectant le plafond national prévu.
L'État membre subdivise celui-ci entre les régions. Chaque plafond régional ainsi
obtenu est réparti entre les agriculteurs dont les exploitations sont situées dans la
région concernée et en fonction du nombre des hectares admissibles au bénéfice
de l'aide de montant uniforme.
Les critères historiques prévalent essentiellement dans les anciens pays de
l'Union européenne en vue du calcul des aides directes. Ils sont dépassés. En
effet:
-la période de référence retenue (2000-2002) est éloignée et la technique ainsi
que l'économie évoluent rapidement ;
- le régime de paiement unique intègre de plus en plus de secteurs productifs ;
- la répartition de l'aide directe au revenu entre les agriculteurs se caractérise par
l'octroi d'une part importante des paiements à un nombre relativement peu élevé
de bénéficiaires (distorsions liées au système).
Le bilan de santé de la PAC (voir chapitre 7) s'est efforcé d'atténuer
(insuffisamment) cette grave inégalité. Le règlement (CE) n° 73/2009 coule en
termes juridiques les propositions introduites à cette fin. Il devient possible de
réviser le montant des droits au paiement fondés sur des critères historiques
(article 45) ou sur un régime régionalisé (article 46 sq.).
Il peut être procédé à un «lissage» des aides directes fondées sur des critères
historiques. Le lissage consiste en un rapprochement, en 2010 ou ultérieurement,
de la valeur des droits au paiement unique. À cette fin, on prélève sur les montants
les plus élevés et relève les plus bas tout en ne permettant pas de créer de nouveaux
droits et donc de couvrir des hectares qui n'avaient pas de soutien.
Les États membres qui ont accordé le régime de paiement unique sur une base
historique peuvent décider d'appliquer ce régime, en 2010 ou ultérieurement,
sur une base régionale. Ils répartissent le plafond national entre les régions
et peuvent décider que les plafonds régionaux font l'objet de modifications
progressives annuelles qui s'opèrent au maximum en trois étapes et selon des
critères objectifs et non discriminatoires tels que le potentiel agricole ou les
critères environnementaux.
Les États membres qui ont initialement préféré le modèle régional peuvent
revoir la valeur des droits au paiement sur une période transitoire appropriée.
L'octroi du paiement unique peut se faire sur une base exclusivement dérivée
de données historiques ou sur une base totalement ou partiellement régionale.
À noter que dans le cadre du bilan de santé, les États membres peuvent répartir
jusqu'à 50 % des plafonds régionaux applicables entre tous les agriculteurs dont
les exploitations sont situées dans les régions concernées, y compris ceux qui ne
détiennent pas de droits au paiement.
L'adaptation de la valeur des droits au paiement unique va dans le sens de
l'équité, qu'elle n'atteint toujours pas. L'opération n'est pas simple ; elle est,
cependant, moins délicate, surtout moins dangereuse pour les agriculteurs, que ce
qui s'annonce pour l'après 2013 en vue de la fixation du budget pour la période de
programmation et financière 2014-2020 et de la fixation du destin de la politique
agricole commune, qu'il importe de sauvegarder pour l'Europe et le Monde, le
Monde où survivent près d'un milliard de victimes de la sous-nutrition et qui
serait peuplé de neuf milliards au moins d'habitants en 2050.
Les négociations commerciales multilatérales d'Uruguay (1986-1993)
ont conduit à la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et
révélé bien des conflits d'intérêt dans le secteur agricole, que l'on s'efforçait de
libéraliser (LEDENT, BURNY, 2002, p. 169 à 216).
L'accord sur l'agriculture également issu de ces négociations prévoit
la poursuite du développement du processus de réforme devant aboutir à des
réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection de
l'agriculture. À cette fin, est créé un Comité de l'agriculture, au sein duquel ont
débuté, à partir du 27 mars 2000, des pourparlers, qui, le 14 novembre 2001, ont
été intégrés dans le cycle global dit «Millenium Round», décidé à Doha (Qatar).
Cette dernière date marque le début du cycle de négociations multilatérales de
Doha, qui ont connu bien des épisodes et qui ne sont toujours pas terminées.
La crise financière, dont le début se situe en août 2007 (Jacques ATTALl,
novembre 2008), et qui sévit en Europe le 6 octobre 2008, est le déclencheur de
la crise économique, qui contrarie les pourparlers. La hausse du chômage dans
nombre de pays a remis en cause l'objectif de libéralisation des échanges.
Au début de 2010, le volontaire et avisé directeur général de l'OMC, Pascal
LAMY, s'attache à faire le bilan des négociations et propose de déterminer s'il est
possible de les conclure cette année. Le Comité de l'agriculture poursuit, à Genève,
ses travaux techniques. Le nouveau commissaire européen au commerce, Karel
DE GUCHT déclare le 12 février, à Genève, que: «Un des meilleurs moyens de tenir
le protectionnisme à l'écart est de conclure le cycle de Doha le plus tôt possible
(Agra Europe n° 3.240 du 22.02.2010, p. 19). Et, il ajoute de sages propos :
«Dans ce but, je ferai de mon mieux pour assurer qu'un accord satisfaisant soit
trouvé pour toutes les parties» (ibidem), conformément à ses fortes convictions.
MM. LAMY et DE GUCHT, dont le rôle est considérable, ne peuvent perdre
de vue la position de Olivier DE SCHUTTER, expert de l'ONU pour le droit à
l'alimentation, qui a mis en garde les membres de l'OMC contre un accord sur
l'agriculture aggravant la faim dans le monde.
L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (OMA,
FAO) estime, quant à elle, que la production alimentaire devra augmenter d'au
moins 70 % afin de pouvoir nourrir la population de neuf milliards de personnes
en 2050.
Dès lors, la mission de l'agriculture européenne consiste à produire plus, tout
en étant le plus économe possible des ressources naturelles.