Abstract :
[fr] Contrairement au procès qui a pu leur être fait, les logiciens sont loin de développer, lorsqu’ils parlent d’identité, une approche que l’on peut réduire à ce que Tim Winter appelle un « matérialisme scientiste » (Winter 2013). Au contraire, en utilisant des notions comme les intentions et les attentes, des logiciens comme Theodore Scaltsas, David Wiggins et, en France, Stéphane Ferret et Pascal Engel situent bel et bien l’évaluation des identités (et des authenticités) dans un cadre anthropo-logique. Ils peuvent donc s’intéresser aux raisons pour lesquelles un couteau familial dont le grand-père avait remplacé la lame, et le père, le manche, continue à jouer son rôle patrimonial lorsque le petit-fils en hérite.
Wiggins et Scaltsas démontrent très bien que l’identité du bateau de Thésée – ou du Parthénon – dépend de ce que les prêtres, les antiquaires ou les simples fidèles en attendent. Plus étonnant encore de la part d’un logicien, Scaltsas va jusqu’à affirmer que la reconstruction d’un bâtiment à partir de ses propres matériaux est identique ou non selon qui opère cette reconstruction et avec quelles intentions (Scaltsas 1981). Comme Gérard Genette le souligne dans le champ de l’ontologie de l’art, « les traits qui définissent l’identité d’un objet ne sont pas seulement des propriétés internes de composition physique, de forme ou de fonction : ce sont aussi des propriétés, externes si l’on veut, d’emplacement et de relation au site et à l’environnement » (Genette 1994).
Comme l’a montré Nelson Goodman, déplacer la question peut être une manière de résoudre des problèmes d’apparence insolubles. C’est ce que font les « critical heritage studies » en posant la question : « quand y a-t-il patrimoine? ». Dans un même ordre d’idées, les logiciens, en considérant les attentes et/ou intentions comme des conditions à prendre en compte dans l’évaluation de l’identité d’un objet patrimonial, peuvent permettre de clarifier son statut. D’où le titre un peu provocateur de cette proposition: « Quand y a-t-il Parthénon ? ».