Abstract :
[fr] Marquées par le relâchement festif, la sociabilité culturelle et le rayonnement surréaliste, les années 20 en France sont aussi entachées par la perte humaine, l’endettement national, la course à la croissance industrielle et la crainte d’un nouveau conflit. Ce sont d’abord des années de traumatisme, de déséquilibre des générations et de montée en puissance des idéologies – celles du capitalisme américain, du communisme soviétique et du fascisme italien . « Folles » en raison de la perte des repères qui les caractérise plutôt que pour la fantaisie qu’on leur prête, ces années ne voient réapparaître une confiance en la prospérité qu’à la fin de la décennie, alors même que se profile la crise boursière. Entre ces deux épreuves, on assiste à la fin du récit guerrier héroïque face au constat éploré de la tuerie de masse. En littérature, ces déterminations contextuelles alimentent, parallèlement au roman des tranchées et à l’écrit testimonial, une veine d’anticipation particulièrement marquée par la négativité et le pessimisme. Le récit conjectural de cette période est doublement caractérisé par un ralentissement de la production et une dissémination des supports de diffusion. En outre, alors même qu’elle se fait l’écho des préoccupations sociétales, la littérature d’anticipation tend à se distancier, à ce moment, des progrès scientifiques réels pour se replier sur des thématiques convenues : fin du monde, guerre future, monde perdu, voyage extraordinaire, savant fou. C’est dans ce panorama littéraire incertain, codifié et dispersé, que s’expriment les échos d’un contexte sociopolitique et culturel troublé.