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Abstract :
[fr] Répandus dans les habitats côtiers et profonds, les détritus végétaux constituent des sources nutritives abondantes et attractives surtout pour la macrofaune et particulièrement pour les amphipodes, crustacés de petite taille. Ces habitats détritiques sont favorables au développement de symbioses bactériennes chez des acteurs spécialisés de la macrofaune pour exploiter des sources d’énergie alternatives, c’est-à-dire des composés réduits à travers la chimiosynthèse et des composés réfractaires du substrat à travers des microflores digestives hétérotrophes.
Dans ce travail, 12 espèces d’amphipodes de bois coulés profonds des genres Onesimoides (3 espèces) et Bathyceradocus (9 espèces) provenant de l’océan Indo-Pacifique sont comparés à 3 espèces côtières des genres Gammarus (2 espèces) et Gammarella (1 espèce) provenant de litières d’herbiers marins (Posidonia oceanica) de Méditerranée. Toutes étant supposées détritivores et liées à un substrat végétal détritique, les points de comparaison ont été focalisés sur les spécificités de leur nutrition ainsi que sur la présence et le rôle des associations microbiennes épibiotiques et digestives éventuelles qu’elles hébergent. La diversité génétique des symbiontes a été définie dans les microflores bactériennes des espèces Onesimoides, Gammarus et Gammarella.
Les résultats confirment que toutes les espèces d’amphipodes étudiées se nourrissent des débris végétaux, principalement de monocotylédones, de leur habitat et bénéficient directement ou indirectement du substrat végétal dont elles seraient d’ailleurs capables d’assimiler la cellulose grâce à des cellulases endogènes répandues et ancestrales chez les arthropodes, ce qui est appuyé par l’altération progressive des parois végétales ingérés au cours du transit. De plus, les débris végétaux ont tous subi une dégradation par des microorganismes de milieu marin (et non terrestre) préalablement à leur ingestion par les amphipodes. L’état de dégradation et le type de microorganismes impliqués varient non seulement selon le substrat, l’habitat et site de récolte mais surtout selon le groupe ou l’espèce amphipode considéré. Il est reconnu que cette dégradation « conditionne » les débris végétaux. Elle se traduit par 1) une abondance de microorganismes décomposeurs (endophytes) ou d’épiphytes croissante puis décroissante avec l’avancement de l’altération des parois végétales, 2) une accessibilité accrue de la cellulose résiduelle (démasquée) et enfin, par une 3) augmentation puis une diminution de la valeur nutritionnelle et du contenu en N des résidus.
Nos résultats suggèrent que l’état de dégradation du substrat végétal ingéré détermine le réel régime alimentaire des espèces et influence fortement le développement des symbioses digestives qui complémentent ce régime notamment par la fourniture d’azote et permettent à l’hôte d’utiliser un substrat résiduel de très faible valeur nutritionnelle. En fonction de ces critères, les espèces d’amphipodes examinées peuvent être classées dans un ordre défini : les Gammarus sp. se nourrissant sur une litière de posidonie fraîchement conditionnée complètent ainsi leur nutrition par des microorganismes (principalement des hyphes de champignon noir septé) et s’appuient sur une microflore digestive peu développée, à la fois résidente (γ-protéobacteria) et transitoire (α-protéobacteria). Gammarella fucicola par contre se nourrit de litière en fin de processus de dégradation et complète ainsi son régime par l’activité d’une importante microflore digestive résidente et diversifiée dans son proctodeum. Il en est de même des différentes espèces d’Onesimoides qui, bien qu’associées aux bois coulés en océan profond, ingèrent comme G. fucicola des tissus (vasculaires) de monocotylées fortement altérés par des microorganismes (bactéries, champignons). De plus, bien que plus diversifiée chez G. fucicola, les deux microflores comportent plusieurs points communs dont l’implication de 2 groupes de microorganismes identiques (γ-protéobacteria, Bacteriodetes). Ces ressemblances renforcent le caractère symbiotique mutualiste supposé de ces microflores. Enfin seul les Bathyceradocus semblent faire exception. Ils ingèrent aussi principalement des structures ligneuses de monocotylées très dégradées mais ne possèdent pas de microflore bactérienne digestive. Ils complémenteraient leur alimentation grâce à des microorganismes épibiotiques (bactéries, champignons) fixés à leurs pièces buccales et/ou grâce à des trichomycètes attachés à leur paroi proctodéale.
Ce travail illustre l’importance de l’action alternée et successive de différents microorganismes, de la petite faune et de microorganismes symbiotiques dans la dégradation progressive, étape par étape, de substrats végétaux détritiques en milieu marin, jusqu’au stade terminal de dégradation des éléments plus réfractaires du bois et des tissus ligneux de monocotylédones.
[en] Widespread in coastal and deep-sea habitats, plant remains constitute abundant and attractive food sources especially for the macrofauna and particularly for small-sized amphipod crustaceans. These detritic habitats favour the development of bacterial symbioses by specialized members of the macrofauna to exploit alternative energy sources as reduced compounds through chemosynthesis and refractory compounds through specific heterotrophic digestive microflora.
In the present work, 12 deep-sea wood fall amphipod species of the genus Onesimoides (3 species) and Bathyceradocus (9 species) from Indo-Pacific Ocean were compared to 3 Gammarus (2 species) and Gammarella (1 species) species from Mediterranean sea-grass litter (Posidonia oceanica). All species being supposed detritivorous and depending on a detritic plant substrate, the comparison points were focussed on their diet specificities, as well as on the presence and roles of the eventual microbial (epibiotic or digestives) associations they harbour on their integument or in their gut. The genetic diversity of symbionts was investigated in the gut microflora of Onesimoides, Gammarus and Gammarella species.
The results confirm that all the amphipod species examined nourish on plant detritus, mainly from monocots, in their habitat and benefit directly or indirectly of the plant substrate. They would have however the ability to degrade and assimilate cellulose through endogenous cellulases that are ancestral and widespread among the Arthropod group. This is supported by the progressive alteration of the plant cell walls (PCWs) as observed along the transit. In addition, all the plant debris had undergone microbial degradation in submarine conditions (not terrestrial) prior to their ingestion by amphipods. The degradation stage and the type of involved microbes vary not only with the substrate, the habitat or the collection site but mainly with the amphipod group or species. It is well known that degradation is a “microbial conditioning” of plant detritus. It results in 1) an increase then decrease of the decomposer abundance (endophytes/epiphytes) with the PCW degradation progress, 2) an increased accessibility of residual cellulose and, finally, 3) an increase then decrease of the nutritional value and N-content of the residues.
The results suggest that the degradation state of the ingested plant substrate determines the true diet of the species and strongly influences the development of digestives microflora that may complement the host diet by providing nitrogen and thus allowing the host feed on residual substrate of very poor nutritional value. Considering these criteria, the examined amphipod species could be classified according to a representative sequence. The Gammarus species feeding on freshly “conditioned” seagrass leaf litter, complete their diet by endophytic/epiphytic microorganisms (mainly hyphae from the black septate fungus) and find support on a poorly developed microflora with resident bacteria (γ-proteobacteria) together with transitory bacteria (α-proteobacteria). In contrast, Gammarella fucicola feeds on old litter at the end of the degradation process and complete its diet by the activity of an important and diversified digestive bacterial microflora that resident on its hindgut lining. It is very similar in the Onesimoides species that are associated to deep-sea sunken wood but ingest, as G. fucicola, residues of lignified (vascular) tissues of monocots after deep microbial alteration (bacteria, fungi). In addition, the microflora of both genus exhibited some common features, among which the involvement of 2 common groups of bacteria (γ-proteobacteria, Bacteriodetes). Such similarities strongly support the supposed symbiotic and mutualistic character of both microflora. Finally, only the Bathyceradocus sp. seems to be different. They also mainly ingest deeply altered lignified tissues of monocots but do not possess any digestive bacterial microflora. They possibly complement their diet by eating epibiotic microorganisms (bacteria, fungi) that colonize their mouthparts and/or by the help of trichomycetes anchored on their hindgut wall.
The present study illustrates the importance of alternate and successive roles of microorganisms, small-sized macrofauna and microbial symbionts in the gradual, step-by-step, alteration of plant substrates in the sea, to the terminal degradation stage of the most recalcitrant elements of wood and lignified tissues of monocotyledons.