Abstract :
[en] We can follow many ways of investigation in G. Didi-Huberman's rhizomatic work. This work can be entered from several sides and crossed in different ways. I have chosen one that seems interesting to highlight the innovation of the choices made by G. Didi-Huberman (the specificity of his thinking), but also the way in which he situates his proposals in broader issues, linked to the debates that raise the current theory of image. So I will try to show today how G. Didi-Huberman positions himself with regard to a problem that has crossed the entire image theory of the last 2/3 decades: the problem of the image/language logos (and behind it, or through it, the problem of the readability of images). So I will focus my reading on this problem of the image/language relationship. Why would you go back on that? From a certain point of view, we can consider that we have now emerged from this struggle for the precedence of the image over language, that this problem is outdated. There are no longer so many theorists who engage in the battle (sometimes caricatural) of images against words or in the "revenge" of images on words; everyone seems to agree on the importance of thinking about crossovers, forms of alliance, mixed devices, mutual aid, articulations etc. between images and language. And perhaps we can even assume that this pacification of relations constitutes a singular feature of French image theory - I will come back to this in conclusion with the Didi-Huberman/Rancière dialogue.
Yet, taking up the terms of the debate - even when he was skating the most (with the Bildwissenschaft for example) - makes it possible to identify/value the avenues and solutions invented to overcome the sterility of an overly frontal opposition between the power of image and the power of language. Hypothesis: the debate around the iconic turn can, in my opinion, be taken up/released as a programmatic debate for image theory (a debate from which many projects are emerging). I would especially like to show how Didi-Huberman develops a new model for reading images, and how he rethinks the question of readability. I will pretend here that all his work can be captured again from this problematic point: How to read images today? And to answer this question, we must first ask another one: How to get rid of the classic iconological model and build an alternative model?
[fr] Il y a énormément de pistes à suivre dans l'œuvre rhizomatique de G. Didi-Huberman. On peut y entrer par plusieurs côtés et la traverser de différentes manières. J’en ai choisi une qui me semble intéressante pour faire apparaitre le caractère inédit des choix opérés par G. Didi-Huberman (la spécificité de sa pensée), mais aussi la manière dont il inscrit ses propositions dans des enjeux plus larges, liés aux débats qui soulèvent la théorie de l’image actuelle. Je vais donc tenter de montrer aujourd’hui comment G. Didi-Huberman se positionne à l’égard d’un problème qui a traversé toute la théorie de l’image de ces 2/3 dernières décennies : le problème du rapport image/langage (et derrière lui, ou à travers lui, le problème de la lisibilité des images). Donc je vais articuler ma lecture autour de ce problème du rapport image/langage. Pourquoi revenir là-dessus ? D’un certain point de vue, on peut considérer qu’on est aujourd’hui sorti de cette lutte (qui a fait couler tellement d’encre) pour la préséance de l’image sur le langage, que ce problème est dépassé. Il n’y a plus tellement de théoriciens qui s’engagent dans la bataille (parfois caricaturale) des images contre les mots ou dans la « revanche » des images sur les mots ; tout le monde semble s’accorder sur l’intérêt de penser les croisements, les formes d’alliance, les dispositifs mixtes, les secours mutuels, les articulations etc. entre les images et le langage. Et peut-être même peut-on supposer que cette pacification des rapports constitue un trait singulier de la théorie de l’image française – j’y reviendrai en conclusion avec le dialogue Didi-Huberman/Rancière.
Pourtant, reprendre (malgré tout) les termes du débat – y compris au moment où il patinait le plus (avec la Bildwissenschaft) – permet de dégager/valoriser les pistes et les solutions inventées pour sortir de la stérilité d’une opposition trop frontale entre les puissances de l’image et le pouvoir du langage. Hypothèse : le débat autour de l’iconic turn (« tournant iconique ») peut à mon avis être repris/relu comme un débat programmatique pour la théorie de l’image (un débat à partir duquel se dessinent de nombreux projets). Je voudrais surtout montrer comment Didi-Huberman développe un nouveau modèle pour la lecture des images, et comment il repense la question de la lisibilité. Je ferai ici comme si toute son œuvre pouvait être ressaisie à partir de ce point problématique : Comment lire les images aujourd’hui ? Et pour répondre à cette question, il faut d’abord en poser une autre : Comment se défaire du modèle iconologique classique et construire un modèle alternatif ?
