Abstract :
[fr] Objectif : Le méthanol est un produit bien connu du grand public pour sa redoutable toxicité en cas d’ingestion. Son accessibilité aisée en vente libre, de même qu’une prise facilitée par l’absence de saveur désagréable, explique qu’il soit fréquemment utilisé pour les actes d’autolyse. L’examen clinique dans les heures suivant la prise est souvent peu spécifique, et similaire à celui d’une intoxication éthylique. Les signes évocateurs d’une intoxication sont principalement biologiques, à savoir une acidose métabolique associée à un trou anionique augmenté, expliquée par la production d’acide formique, le principal métabolite. La confirmation de l’intoxication nécessite toujours une analyse chromatographique [1].
Nous rapportons le cas d’un homme âgé de 67 ans se présentant aux urgences en déclarant une tentative de suicide par prise excessive d’alprazolam. Des examens complémentaires tardifs démontrèrent une intoxication au méthanol.
Méthodes : Un criblage toxicologique classique (recherche de benzodiazépines, d’antidépresseurs, de barbituriques, de neuroleptiques, d’opiacés, de salicylés, de paracétamol et d’éthanol) sur le sang prélevé à l’admission a été réalisé, combinant des méthodes enzymatiques et immunologiques (Architect Ci4100–Abbott®) et une analyse chromatographique (Alliance–Waters®). La recherche spécifique de méthanol a été réalisée ultérieurement par chromatographie gazeuse couplée à un détecteur à ionisation de flamme (GC/FID-2010 – Shimadzu®).
Résultats : A l’admission, le patient était très somnolent, se plaignait d’acouphènes, de paresthésies des quatre membres et d’un engourdissement de la joue. La biologie sanguine était normale, à l’exception de bicarbonates quelque peu diminués (21.9 mmol/L) et d’un trou anionique légèrement augmenté (23 mEq/L). Le pH ne fut pas contrôlé. L’examen toxicologique initial révéla un taux suprathérapeutique d’alprazolam (173 µg/L), ainsi que des taux infrathérapeutiques de nordiazépam et de trazodone. L’alcoolémie était négative. Le patient fut placé en hospitalisation provisoire pour surveillance. Vingt-quatre heures après l’admission, ce dernier avoua une consommation de méthanol. Une biologie de contrôle confirma une intoxication significative (méthanolémie à 1,54 g/L – des décès sont observés dès 1g/L), de même que des bicarbonates effondrés à 12 mmol/L, un trou anionique augmenté à 29 mEq/L et un pH artériel à 7,21. Le patient fut transféré en réanimation. Le traitement consista à administrer du bicarbonate, de l’acide folinique (50 mg/6 h), du 4-méthyl-pyrazole (15 mg/kg en 45 min.). L’hémodialyse réalisée, combinée au traitement, permit de réduire rapidement la méthanolémie, comme décrit ci-dessous:
Moment du prélèvement Admission Admission +24 h Admission +39 h Admission +46 h Admission +61 h
Méthanol Non fait 1,54 g/L 0,54 g/L 0,17 g/L <0,05 g/L
Malgré un traitement très tardif, soit plus de 24 heures après l’admission, le patient fut autorisé à quitter l’hôpital après 3 jours, et ce sans aucune séquelle apparente.
Conclusion : Le diagnostic d’une intoxication au méthanol est rendu compliqué par l’absence de symptômes spécifiques précoces. La présence d’une acidose métabolique avec trou anionique augmenté doit conduire à une recherche spécifique de méthanol. Le traitement repose sur l’administration d’un inhibiteur de l’alcool déshydrogénase, tel que le 4-méthyl-pyrazole ou l’éthanol, la correction de l’acidose par bicarbonates et l’hémodialyse au besoin.
Référence : [1] Jeffrey A. et coll. Approach to the treatment of methanol intoxication. Am J Kidney Dis. 2016;68(1):161-7.