Violence dans les relations amoureuses : le contexte conflictuel est-il adéquat pour son étude ?

La violence dans les relations amoureuses des adolescents et jeunes adultes est étudiée depuis un peu plus d’une trentaine d’années (Makepeace, 1981). Ces recherches ont souvent utilisé le questionnaire Conflict Tactics Scale (« CTS 1 », Straus, 1979 ; « CTS2 », Strauss et al., 1996) pour investiguer le phénomène, jusqu’au développement du questionnaire Conflict in Adolescent Dating Relationships Inventory (« CADRI », Wolfe et al., 2001) précisément élaboré pour la violence dans les relations amoureuses. Or, les consignes de passation du CADRI rencontrent celles du CTS en termes de contexte de conflit : « Les phrases suivantes te questionnent sur des situations qui ont pu t’arriver à toi et à ton/ta petit(e) copain/copine pendant que vous vous disputiez ». Le CADRI s’inscrit dans la continuité du CTS eu égard à la théorie du conflit qui leur est sous-jacente. Notre présente recherche entend investiguer comment cette consigne introductive influence les taux de violences agies et subies.

En passation groupale, un questionnaire papier a été soumis à des étudiants (N>200, 16-23 ans) en Belgique francophone. Dans un premier temps, les participants ont répondu à une version modifiée du CADRI où la consigne introductive ne circonscrivait pas les items de violence à du conflit ; dans un second temps, ils ont répondu à la version-type délimitant les items de violence à un contexte de conflit. Pour ces deux versions, la perpétration et la victimisation sont étudiées sous cinq formes de violences : verbale/émotionnelle, physique, sexuelle, relationnelle, et par menace.

Pour certaines formes de violences agies et subies, les résultats indiquent des différences de score de perpétration et de victimisation selon le type de test (CADRI en version modifiée vs. CADRI en version-type), tantôt pour les participants de sexe féminin, tantôt pour les participants de sexe masculin. Des interactions entre le type de test et le sexe des répondants sont également relevées.

Cette étude permet d’interroger la (non) pertinence d’une consigne mentionnant le conflit pour étudier la violence dans les relations amoureuses, consigne ayant d’ailleurs des impacts différents selon le sexe du répondant. En ce sens, délimiter l’étude de la violence dans les relations amoureuses à un contexte de conflit nous met à risque de grandement sous-estimer les prévalences de perpétration et de victimisation, les violences hors-conflit n’étant pas prise en considération. Egalement, considérant les interactions entre type de test et sexe des répondants, il est important de désormais s’assurer que les différentes prévalences relevées pour chaque sexe ne sont plus des différences liées à l’éventuelle compréhension genrée de cette consigne. Enfin, prendre en compte la violence dans les relations amoureuses dans un contexte non-délimité à du conflit permettra d’élaborer de nouvelles stratégies de prévention et de sensibilisation incluant davantage de contextes.