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Abstract :
[fr] Le participe parfait constitutus (ainsi que positus) a été vu comme une sorte de substitut destiné à pallier l’absence en latin de participe présent du verbe être (*ens, entis). Plusieurs auteurs ont considéré cet emploi comme un hellénisme propre à la langue juridique en soulignant que, dans les Novellae de Justinien, constitutus est une traduction du grec καϑεστώς, qui a un sens actif. On en a déduit qu’il pourrait s’agir d’une particularité de la langue des juristes qui apparaît pour la première fois chez Julianus [4], Scaevola [6], Papinien [5] et Ulpien [8]. Cet emploi, qui ne semble pas antérieur à Sénèque [7], n’est toutefois pas spécifique aux juristes. On le rencontre dans le latin de l’Empire, spécialement chez des auteurs africains chrétiens et païens, comme Apulée [2] et Cyprien de Carthage [3], et surtout dans la langue tardive (Ammien Marcellin [1]). Cet usage pose la question de la spécificité de la langue des juristes et de l’influence éventuelle du grec sur cette langue technique. Une étude plus systématique des prétendus hellénismes chez le juriste Gaius, peut-être d’origine orientale, montre que l’influence du grec sur son latin, si elle a existé, est assez réduite. Un grand nombre de particularités qui ont été considérées comme des hellénismes sont en réalité des spécificités du latin tardif et connaissent des parallèles chez des auteurs comme Apulée, Tertullien, Augustin, Ammien Marcellin. J’étudie ici les emplois de constitutus comme prétendu substitut du participe présent de esse dans un corpus assez large de textes : Arnobe, Firmicus Maternus, Lactance, Hilaire, Lucifer, Ambroise, Jérôme, Sulpice Sévère, Cassien, Orose… jusqu’à Cassiodore. On trouve aussi cette tournure assez souvent dans la Vulgate. Pour expliquer cette spécificité, l’influence du grec n’est pas une donnée nécessaire. Il s’agit essentiellement, comme d’autres phénomènes, d’une évolution du latin, qui a sans doute éprouvé le besoin de combler la lacune de l’absence du participe présent du verbe « être », ce qui arrivera au Moyen Âge avec la création de *ens, entis, déjà proposé par Jules César.
Exemples
[1] Ammien Marcellin, XX, 3, 12 : eodem adhuc constituto
[2] Apulée, Mét., IV, 11 : Tunc nos in ancipiti periculo constituti uel op primendi nostri uel deserendi socii remedium e re nata ualidum eo uolente comminiscimus.
[3] Cyprien, Ep., 1, 1 : in clerico ministerio constituti
[4] Julianus Dig. 24, 2, 6 : in captiuitate constitutus
[5] Papinien Dig. 35, 1, 77, 3 : impubere filia constituta
[6] Scaevola Dig. 4, 4, 39, 1 : curatoribus eius idoneis constitutis
[7] Sénèque, NQ, III, 10, 3 : natura partes suas velut in ponderribus constitutas exanimat
[8] Ulpien Dig. 3, 5, 19 : Ulpianus libro decimo ad edictum. sin autem apud hostes constitutus decessit, et successori et aduersus successorem eius negotiorum gestorum directa et contraria competit.
Bibliographie
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