Abstract :
[fr] Cette recherche porte sur la prise de décision des tribunaux de l’application des peines (TAP), considérée au sein de la série d’actions qui la rend possible. Les décisions de libération anticipée de prison se construisent en effet dans des processus longs, en interdépendance avec les acteurs institutionnels dans les établissements pénitentiaires, l’administration centrale en charge des « petites sorties » qui servent à préparer les projets de réinsertion, et les TAP qui finalement valident ou informent ces processus par leur décision motivée. La thèse rend compte de la complexité de la décision collective, en suivant le passage du droit de l’application des peines dans ses trois organisations, la prison, l’administration centrale et le TAP, le long des situations de travail des acteurs. La méthode est inductive, et l’enquête qualitative, constituée d’entretiens semi-directifs, d’observations des acteurs au travail, de lectures approfondies des dossiers et d’observations d’audiences des TAP. L’ensemble de ces matériaux permettent de suivre tous les agents, supports ou lieux de la décision et de reconstituer la trajectoire des cas de l’application des peines, en portant attention aux documents, aux pratiques et finalement au partage de sens entre les acteurs. La thèse vise ainsi à montrer que la décision ne se réduit pas à une situation ou un moment, mais qu’elle est le produit d’un processus, organisationnel, de partage de pratique et de sens, créant les routines de l’action collective. La multiplicité des acteurs sont autant d’épreuves à franchir pour les cas, produisant des jugements multiples sur l’individu et permettant notamment la justification de la décision. La juridictionnalisation, seulement partielle de l’application des peines, introduite en 2006, montre ainsi en pratique un traitement administratif et centralisé des demandes, un système de décision complexifié, qui crée des verrous supplémentaires sans désactiver ceux qui lui préexistaient.