Abstract :
[fr] Dès 1945, la presse a eu un rôle majeur dans la diffusion, mais aussi la formation
des thèses sur la nationalité sarroise. Par exemple, le mot annexion n’est que très peu
présent dans les documents d’archives, tandis qu’un bon nombre d’article propose cette
solution. Ainsi, si certains milieux politiques y pensent, la presse leur permet de
s’exprimer sans pour autant trop s’engager. La thèse selon laquelle les Sarrois sont des
Français ne tient pas car le Gouvernement provisoire ne va pas dans ce sens. Les
journaux français abandonnent donc ces thèses en raison du manque de soutien, mais
aussi grâce à la multiplication des reportages dans la région qui leur permet de connaître
un peu mieux les réalités du territoire.
Cette amélioration de la connaissance de la Sarre n’est encore que très
marginale ; son impact sur l’opinion publique française est encore très faible. Une fois
la thèse d’une Sarre française abandonnée, il est inconcevable pour la France de rendre
ce pays à l’Allemagne. Des propositions des plus hardies voient le jour. La Sarre est un
peuple franco-allemand, les Sarrois sont un peuple de la sphère germanique, mais
différent des Allemands. Leur origine ethnique est celtique etc… Mais c’est bien la
solution soutenue par le gouvernement français de détachement politique et
rattachement économique qui est la plus suivie et soutenue par la presse française. Les
Sarrois deviennent donc un peuple d’origine germanique mais destiné à se détacher du
Reich pour devenir un état indépendant (d’abord autonome).
Le deuxième temps est donc la construction d’une entité autonome et par
certains moments indépendante. La presse devient un support politique, puisque c’est
véritablement à partir de ce moment que le Gouvernement militaire, devenu ambassade
et le gouvernement autonome sarrois mobilisent la presse, et pas seulement française.
Les réunions de journalistes et autres « visites guidées » se multiplient pour que ces
derniers connaissent mieux les réalités du territoire. Les reportages menés ne se
contentent pas de décrire le système politique, mais bien la naissance d’un peuple
sarrois à part entière. La presse décrit bien la Sarre comme un pays indépendant avec
des frontières, une culture et des pratiques communes. Dans le livre I, on a pu remarquer
que les années 50 sont marquées par un décollage au niveau comptable, mais aussi
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qualitatif de la question sarroise dans les colonnes. Ce fait est concomitant avec les
revendications allemandes sur ce territoire. La presse allemande se mobilise assez
fortement pour appuyer, et même encourager le gouvernement allemand à se préoccuper
de ces questions. Le phénomène est donc inverse à la France, puisque souvent, il s’agit
bien du gouvernement (souvent plutôt le gouvernement militaire de Grandval) qui prend
l’initiative de développer l’information. L’impulsion vient d’en haut, tandis qu’en
R.F.A. elle vient d’en bas. Ces revendications qui empoisonnent les relations francoallemandes obligent ces derniers, mais aussi les voisins et alliés à résoudre ce conflit.
L’Europe semble être alors la solution. La Sarre ne sera ni sous influence
allemande, ni française. Là aussi, pour la France l’information vient d’en haut. La
notion européenne n’est pourtant que très développée auparavant et demeure floue. La
presse française (hors-communiste) est enthousiaste, mais utilise le mot « Europe » à
tout va, sans véritablement définir ce terme, ce qui est sa principale faiblesse. Le
referendum devant consacrer le statut européen est un échec. Il s’agit également d’un
échec dans le processus de dépassement du concept de nation. L’Europe est trop floue et
lointaine pour pouvoir dépasser les anciennes structures européennes. Il s’agit donc
d’une victoire de la nation sur l’Europe. La presse et l’opinion française s’inquiètent
alors de la tournure que prennent les évènements. Les thèmes nationalistes utilisés par
les partis pro-allemands font craindre un renouveau du pangermanisme. Les
constructions de nationalités autonomes des Sarrois s’effondrent ainsi complètement.
Les Sarrois sont bels et bien des Allemands et la France ne peut aller contre ce fait.
L’opinion publique française se rend aussi à l’évidence. Les frontières européennes
occidentales sont ainsi bien fixées