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Abstract :
[fr] Le concept de « rapport à » doit son émergence aux travaux en sciences de l’éducation (Beillerot, Blanchard-Laville, Mosconi, 1989 ; Charlot, Bautier, Rochex, 1992). La définition proposée par Charlot (1997) l’envisage comme l’ensemble des relations entretenues par le sujet avec un objet, un savoir, une activité… Cette définition inaugurale met l’accent sur deux dimensions centrales : la question du sujet apprenant et la médiation établie entre lui et le savoir.
Plusieurs didacticiens du français ont depuis lors souligné la nécessité de prendre en compte les représentations du sujet quant à l’objet enseigné, le rapport qu’il a construit avec cet objet particulier : Bautier (2002), Penloup (2002, 2011), Barré-De Miniac et Yves Reuter (2006), Daunay (2007), Donahue (2008), Bucheton (2009)… Pour autant, placer le sujet au cœur du dispositif d’enseignement-apprentissage ne revient pas à entériner purement et simplement ses attitudes, ses représentations : il s’agit au contraire de mieux les cerner pour les faire évoluer, pour lever les blocages, parfois tenaces. Ces résistances ne sont pas non plus l’apanage des élèves en grande difficulté scolaire. Toutefois, s’il importe de se centrer sur le sujet, sur le scripteur, il ne s’agit pas de favoriser un enseignement individualiste, solipsiste. L’écriture étant par nature interactionnelle, elle doit résolument se concevoir au service de la communauté scolaire ou académique, du vivre-ensemble. Concrètement, la classe peut s’envisager comme une communauté d’apprenants (Brown et Campione, 1995), comme une communauté discursive (Bernié, 2002) cimentée par la recherche d’un agir communicationnel (Habermas, 1987).
Les données qui seront interrogées dans le cadre de notre communication ont été recueillies chez deux cents étudiants de BAC3 et de Master 1-2 en langues et lettres françaises, au début respectivement de leur cours centré sur l’écrit argumenté et l’écrit scientifique. Il s’est agi d’objectiver au début du dispositif leur rapport à ces deux objets en leur soumettant deux questionnaires longs structurés autour de plusieurs dimensions :
- leurs représentations quant à l’écriture en général ;
- leurs souvenirs en matière de lecture-écriture ;
- leurs pratiques lecturales et scripturales ;
- leurs définitions de l’écrit argumenté ou scientifique ;
- leurs souvenirs liés à l’enseignement-apprentissage de ces concepts ;
- leurs connaissances et habiletés préalables ;
- leur projet personnel de formation s’agissant, selon les cas, de l’écrit argumenté ou scientifique.
Les questionnaires ont été analysés scrupuleusement et un retour précis a été fait aux étudiants au sujet des tendances récurrentes que le sondage mettait au jour. L’enjeu de la démarche est double, car ces étudiants en langues et lettres sont supposés être des experts de l’écriture et de l’argumentation, mais aussi, pour la plupart, des enseignants chargés à leur tour de former notamment les élèves à ces deux objets. Pour cette raison, notre étude s’affilie également aux travaux sur les représentations des enseignants : Wanlin et Crahay (2011, 2012), Wanlin, Lafontaine et Crahay (non publié).
Nos résultats mettent au jour en quelque sorte les concepts quotidiens (Vygotski, 1934-1997) dont font montre les étudiants à l’entame du cours : ceux-ci donnent à voir nombre d’erreurs, de questionnements, d’approximations, qu’il s’est agi d’interroger, de déconstruire dans un complexe et aléatoire processus de secondarisation (Bakhtine, 1977, 1979 ; Bautier, 2001) pour tenter de construire des concepts scientifiques, au sens vygotskien (1934-1997). En particulier, nous confronterons les résultats que les questionnaires suggèrent aux examens, lesquels révèlent, certes, des sauts qualitatifs et quantitatifs quant aux savoirs ou habiletés dont font montre les étudiants, mais également des erreurs ou représentations erronées persistantes.