Abstract :
[fr] De nombreux organismes vivants, procaryotes ou eucaryotes, sont capables d’élaborer
des substances toxiques. En biologie animale, on appelle venins des poisons d’origine animale
susceptibles d’être utilisés comme arme d’attaque ou de défense envers un animal d’une autre
espèce ou envers l’homme. Ces venins, substances complexes formées par sécrétion dans des
glandes spécialisées, sont dans la plupart des cas soit injectés, soit projetés sur un prédateur
potentiel ou une proie en vue de la paralyser ou de la tuer. On peut en extraire des toxines (du
grec toxicon : poison pour flèche), qui sont des molécules (chimiques ou biologiques) bien
définies ayant un effet physiologique nocif plus ou moins spécifique, ainsi que d’autres
composés.
L’action d’un venin sur une proie doit être extrêmement rapide. Tout concourt en effet soit à
une paralysie fulgurante, indispensable à la nutrition soit un effet dissuasif envers un
agresseur. Les toxines agissent en général à très faible dose, et sont souvent des poisons très
violents. Elles peuvent être classées selon leur mode d’action ou selon leur composition
chimique mais d’autres classifications ont été proposées, notamment en fonction de l’animal
qui les produit (cobratoxine de cobra par exemple).
C’est aux chimistes du XIXème siècle et en particulier à Lucien Bonaparte, frère de
Napoléon, que l’on doit les toutes premières études rationnelles sur les venins. Des
précipitations successives à l’alcool et à l’éther lui permettent d’isoler une fraction d’un venin
de vipère Vipera berus, qu’il appelle « vipérine ». Fin observateur, Lucien Bonaparte note que
cette fraction possède des propriétés biologiques rappelant celles des ferments digestifs.
En 1896, Calmette publie un petit volume présentant les techniques d’immunisation contre les
venins de serpent. Cette brochure contribuera grandement au développement du traitement
moderne des morsures de serpents : l’injection d’antivenins.
Il faut ensuite attendre la fin des années 60 et l’application des techniques séparatives aux
biomolécules pour que les questions posées par F. Fontana au XVIIIème siècle sur le mode
d’action des venins et la nature de leur contenu, puissent trouver un début de réponse. Plus
récemment encore, l’explosion de l’analyse protéomique et le développement de techniques
de séparation et d’analyse toujours plus performantes et plus sensibles ont permis l’émergence
d’une nouvelle discipline : la vénomique (étude du génome et du protéome des venins). En
effet, les principaux composés des venins sont des protéines ou des peptides (plus de 90% du
poids de venin séché), et c’est à ces composés que la plupart des propriétés toxiques et
biologiques des venins sont dues.
Aujourd’hui, les venins représentent, de par la grande variété de leurs constituants, une
source très riche de composés biologiquement actifs. Il est maintenant établi que les toxines
qu’ils contiennent ont des activités variées et représentent des cibles de choix pour la
recherche médicale, pharmacologique et agronomique. Comprendre le mode d’action de ces
toxines et en synthétiser des analogues passe par une détermination précise de leur structure
chimique, de leur architecture et des éléments qui assurent leur spécificité avec la contrainte
que la faible quantité de matériel souvent disponible rend l’ensemble des processus de
séparation et de caractérisation délicats. Le développement récent de techniques de
spectrométrie de masse particulièrement bien adaptées à l’étude de composés biologiques
thermolabiles (electrospray, nano-electrospray ou MALDI) permet désormais de caractériser
des produits naturels présents à l’état de trace, ce qui n’était pas envisageable par les
techniques d’analyse biochimiques classiques. Cependant, si l’utilisation en synergie d’un
ensemble de techniques (résonance magnétique nucléaire, spectrométrie de masse,
dégradation d’Edman) permet de déterminer précisément la plupart des structures des toxines
peptidiques - ou non peptidiques - extraites des venins, l’élucidation de certaines toxines
originales (du point de vue de leur structure et de leur activité) reste épineuse. Le
développement de méthodes d’analyse alternatives donnant accès à l’ensemble des toxines
biologiquement actives est donc d’un grand intérêt.
C’est dans ce contexte que se situe ce travail de thèse dont l’objectif était de mettre au
point de nouvelles stratégies d’analyse de toxines par spectrométrie de masse à haute
résolution, et plus particulièrement par FT-ICR (Résonance Cyclotronique Ionique à
Transformée de Fourier).