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Abstract :
[fr] Contexte :
Les enseignants sont nombreux à ressentir une fatigue vocale ou des troubles de la voix (maux de gorge, enrouement, extinction de voix). Les femmes, en particulier celles enseignant en primaire et maternelle, sont les plus touchées. Leurs problèmes vocaux apparaissent généralement durant leurs premières années d’expérience, et peuvent dans certains cas devenir chroniques et mener à des lésions sur les cordes vocales comme les nodules. Jusqu’à présent, peu d’enseignants bénéficient d’une formation vocale avant le début de leur carrière. Lorsque des conseils de préventions sont donnés, ceux-ci consistent le plus souvent en recommandations d’hygiène vocale et en techniques vocales de base (relaxation, respiration, posture, recherche de résonance) dont l’applicabilité en situation réelle d’enseignement n’est pas toujours évidente.
Objectifs :
En collaboration avec la MGEN et l’académie de Grenoble, nous avons mené une étude longitudinale sur 22 enseignantes en classes maternelles et primaires, avec quatre principaux objectifs :
1) Mettre au point un programme de prévention plus pratique que théorique, apprenant aux enseignantes à mieux gérer leur voix au cours d’ateliers et de jeux de rôles simulant des situations types d’une journée d’enseignement en primaire-maternelle.
2) Examiner l’applicabilité, en situation réelle d’enseignement, de ces conseils de prévention et leur efficacité, en terme d’évolution de la fatigue vocale au cours d’une journée de travail et au cours de l’année.
3) Explorer plus en détails les usages vocaux, les situations pédagogiques et les différentes contraintes rencontrées par les enseignants du 1er degré au cours de leurs journées de travail
4) Mettre au point un nouveau programme de formation vocale plus spécifiquement adapté aux contraintes et situations vécues par les enseignants du 1er degré, et permettant par conséquent une meilleure applicabilité des conseils en situation réelle d’enseignement.
Méthode :
La moitié des participantes a bénéficié d’une journée de formation en Octobre 2013 dispensée par la phoniatre Jocelyne Sarfati (groupe « test »), tandis que l’autre moitié n’a suivi aucune formation (groupe « contrôle »). Sur les 5 mois suivant la formation, l’ensemble des participantes des deux groupes ont été suivies au cours de 3 rendez-vous (début octobre, mi-décembre, début février) où nous sommes allées les enregistrer à leur école, pendant toute leur journée d’enseignement. Nous leur avons fourni un microphone serre-tête (Shure WH20TQG) et un mini-enregistreur portable (Zoom H1) de façon à enregistrer leur voix. Nous leur avons également fourni une caméra, placée en fond de classe, de façon à filmer leur comportement, posture et déplacements pendant 1 heure de la journée qu’elles jugeaient particulièrement difficile à gérer vocalement. En complément de ces enregistrements in situ, nous les avons également enregistrées le matin et le soir, avant et après leur journée de travail, sur un court protocole (voyelles tenues, lecture d’un texte) et leur avons demandé de remplir un questionnaire d’auto-évaluation de leur fatigue vocale (type Voice Handicap Index).
Résultats :
Les analyses des questionnaires et vidéos ont montré que les participantes à la journée de formation appliquaient la plupart des conseils en situation de classe (postures, évitement des situations d’effort vocal, etc.). Des mesures objectives ont également montré qu’au cours de l’année, le débit de parole est moins élevé et les pauses sont plus nombreuses chez les enseignants ayant reçu le programme de prévention que dans le groupe test. Les réponses aux questionnaires ont également montré que la fréquence des plaintes était moins élevée pour le groupe ayant participé à la journée de prévention, particulièrement dans des situations ou des lieux requérant un usage intensif de la voix, comme les grands espaces (couloirs, cour de récréation ou gymnases). Enfin, l’analyse des descripteurs acoustiques (intensité, hauteur, stabilité, quantité d’air sur la voix) a montré une légère dégradation de la voix au cours de l’année, moins marquée chez les enseignantes qui avaient suivi la formation.
Par ailleurs, nous avons pu observer que l’usage de la voix à intensité élevée était très fréquemment relié à des situations de gestion de classe (réduction du bruit de fond, rappel à l’ordre, …).
Conclusions :
Ce programme de prévention, combinant des méthodes directes et indirectes, semble donc déjà avoir un impact positif sur la fatigue vocale et engendrer des habitudes et comportements favorables à la santé vocale. Cependant, il semble utile de continuer à développer des programmes de prévention en relation plus étroite avec les méthodes pédagogiques et de gestion de classe, pour faciliter l’application des conseils de prévention.