Abstract :
[fr] Dans l’évolution de la situation politique, sécuritaire ou économique des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie) des acteurs extérieurs, comme la Turquie, ont joué un rôle important ces vingt-cinq dernières années. Les États de cette région ont vécu, durant une période longue sous la domination de l'Empire ottoman dont le successeur direct a été la Turquie moderne, à l'exception de la Croatie qui a été sous influence de l'Empire austro-hongrois. Suite à la fin de la guerre froide, à la chute du communisme en Albanie et aux guerres des années 1990 en ex-Yougoslavie, la Turquie a renouvelé son intérêt pour la région. Toutefois, c’est à partir de 2002, avec l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP), que l’État turc – inspiré par la doctrine de « profondeur stratégique » du Premier ministre actuel Ahmet Davutoğlu – est devenu un important acteur régional. D’ailleurs, depuis la fondation de la République turque en 1923, ses relations avec les Balkans occidentaux n’ont jamais été aussi intenses. En effet, la crise financière et économique que connaît l’Union européenne (UE) depuis 2008 a affecté sévèrement les économies des Balkans occidentaux, particulièrement dans les domaines des investissements directs étrangers (IDE), des financements privés et des transferts de fonds de la diaspora. Par conséquent, l’influence de la Turquie mais également de la Russie, de la Chine, et de certains pays arabes du Moyen-Orient a augmenté dans la région. Cependant, en dépit de la crise européenne et de ses répercussions sur les pays balkaniques, l’adhésion à l’UE reste une priorité tant pour ces derniers que pour la Turquie.
Dans cette contribution, nous nous pencherons sur la question centrale des défis que représente la pénétration turque dans les Balkans occidentaux pour le déploiement de l’UE dans cette région. Cette question se déclinera en plusieurs sous-questions : quels sont les intérêts de la Turquie dans les Balkans occidentaux ? La présence assertive turque dans cette région présente-t-elle des défis pour le régionalisme européen ? Les stratégies de la Turquie et de l’UE vis-à-vis des Balkans occidentaux sont-elles compétitrices ou complémentaires ? Pour ce faire, la première partie, divisée en trois sections, sera consacrée notamment à la première étape de la pénétration turque dans la région, à savoir celle des années 1990. Enfin, dans la deuxième, elle-même scindée en trois sections, l’analyse portera sur la période post-2000 traitant le processus d’élargissement de l’UE vers la région et la projection assertive de la Turquie.