Analyse qualitative et quantitative des populations de norovirus murins générées lors d’infections in vitro synchrones et asynchrones avec des souches homologues : détection de phénomènes de dominance, d’interférence due aux particules non-infectieuses et d’exclusion à la surinfection

RÉSUMÉ

Buts du travail
La recombinaison est un des mécanismes moteurs de l’évolution génétique des norovirus. Malgré une détection fréquente de séquences recombinantes à partir d’échantillons de terrain, la reproduction du phénomène de recombinaison en conditions de laboratoire semble difficile. Utilisant le modèle du norovirus murin, cette étude a pour objectif d’évaluer de manière qualitative et quantitative les populations virales, y compris potentiellement recombinantes, générées lors de variations des conditions de temps et de multiplicité d’infection dans des expériences de coinfections ou de surinfections in vitro.

Méthodes
Des cellules RAW264.7 ont été inoculées par deux souches homologues de norovirus murins (infection primaire : Wu20 ; surinfection : CW1) en utilisant des multiplicités d’infection (MOI : Wu20 = 1; CW1= 0.1, 1 ou 10) et des temps d’inoculation (surinfection après un délai allant de 0 minutes à 24 heures) variables. Les surnageants ont été prélevés 24h post-surinfection et une quantification moléculaire discriminante sur la région 5’ du génome a été réalisée. Des cellules ont été ré-inoculées par ces surnageants et 36 isolats ont été amplifiés. Ces isolats ont été caractérisés moléculairement comme de type CW1, Wu20 ou recombinant par une méthode discriminante sur leurs extrémités génomiques 3’ et 5’. Les recombinants potentiels ont été séquencés sur la région génomique classiquement impliquée dans la recombinaison (chevauchement ORF 1/2).

Résultats et discussion
L’analyse des ratios des isolats a montré une tendance à une dominance potentielle de Wu20 sur CW1 pour les conditions de MOI relatives 0.1/1 et 1/1 avec un phénomène d’exclusion à la surinfection entre les temps t4 (4h post-infection primaire) et t8. Cependant, cette tendance n’a pas été détectée dans la condition de MOI relative 10/1. Ceci suggère une hypothèse de présence de particules défectives interférentes (PDI) dans la population de Wu20 qui pourrait interférer avec les étapes précoces de l’attachement et de l’entrée et donc modifier les ratios attendus 24h post-infection. La comparaison des ratios de copies génomiques a soutenu l’hypothèse de présence de PDI dans la population de Wu20 avec des ratios différents de ceux logiquement escomptés aux MOI relatives 0.1/1 et 1/1, et qui se sont vérifiés cette fois en condition 10/1 (condition dans laquelle CW1 peut retrouver une chance réelle dans la compétition à l’attachement et à la pénétration). Cependant le temps t1 de cette condition a dévié clairement de la tendance générale et pourrait constituer une population virale de choix pour la présence de recombinants ou suggérer un autre mécanisme par lequel CW1 pourrait momentanément être dominant par rapport à Wu20. L’exclusion à la surinfection a également pu être corroborée par l’analyse moléculaire quantitative. Trois isolats ont été détectés comme des recombinants potentiels mais les séquençages n’ont pu les confirmer. Les évènements de recombinaison pourraient avoir eu lieu sur une autre région que celle classiquement décrite. Cette étude permet de montrer que la composition de la population virale peut avoir un effet majeur sur la compétition entre deux norovirus. Elle suggère également l’existence d’un mécanisme d’exclusion à la surinfection. Elle confirme enfin que malgré les fréquentes détections de souches recombinantes in silico, le phénomène de recombinaison est difficile à reproduire in vitro chez les norovirus.