Keywords :
critical theory School of Francfurt; idealism materialism Bourdieu' critical sociology; pragmatic sociology social philosophy; théorie critique école de Francfort; idéalisme, matérialisme, Sociologie critique Bourdieu; sociologie pragmatique philosophie sociale
Abstract :
[en] This article is concerned with the lack of effectiveness of contemporary critical theories in explaining the conditions for social change. These theories, I would argue, continue to rely on a narrow construction of social actors. Indeed from Lukács to Bourdieu or even Habermas, many significant intellectual developments have taken place which continue to be based on one key assumption: that individuals (workers, social actors, etc.) unconsciously reproduce the social structures of capitalism whilst being alienated by them. They accept the conditions enforced on them and no longer seek to rebel against a system which impoverishes not only their work and culture, but also their soul and their creativity. What is more: they ensure the reproduction of the system by seeking to engage in mass consumption at any cost, or by glorifying the dominant values.
In this paper I would like to show that today, no new critical perspective has emerged out of this negative representation of the world. Indeed, critical works present ‘man’ living here and now as nothing more than a deeply bastardized being, corrupted, denatured, soiled by a civilizing process. What we have is in effect a social actor who, in Rousseau’s philosophical tradition, has been perverted by a civilizing process informed by modernity or capitalism. This view of social actors rests on a form of disgust towards the world.
[fr] le texte que l’on va lire voudrait être une contribution théorique à la refonte de la théorie critique entreprise depuis quelques années par une partie du large courant qualifié de « pragmatique ». Ce courant rassemble aujourd’hui des auteurs aussi différents que Latour, Stengers, Boltanski, Thévenot, et d’autres1. Tous ont pour ambition de rompre avec le point de vue relativement condescendant que la pensée critique « classique », incarnée principalement par la première école de Francfort et Bourdieu, pose sur les acteurs sociaux (Bénatouïl, 1999a et b, Frère, 2004). Dans ces dernières perspectives en effet, l’agent social est reconduit systématiquement au statut d’individu aliéné, soumis aux illusions que dépose en lui, sous forme d’habitus ou de fausse conscience, un ordre établi qu’il accepte et, pire, contribue à reproduire. La sociologie critique, dans cette optique, a pour ambition d’aider cet agent à renouer avec une sorte d’authenticité perdue, une nature humaine plus profonde, nichée sous ses déterminations. Le matérialisme que je suggère à l’inverse, entreprendrait pour sa part de produire pour et avec les personnes les représentations de leur action ou de leur être au monde plutôt que de prétendre décréter une fois pour toute, et contre leurs analyses, la vérité de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font.