De l'analyse des pratiques discursives aux modalités de conception

Cette communication aborde l’étude des interactions entre architectes exploitant différentes ressources (parole, dessin, geste) dans leur pratique professionnelle collaborative de conception. Elle portera sur des questions méthodologiques, en s’attachant à décrire les apports possibles de travaux de linguistique appliquée à l’analyse de la communication multimodale en architecture.

La communication dans les processus de conception est fréquemment abordée à partir de représentations graphiques en tant que procédés de production ou de transmission de connaissances. En effet, c’est en grande partie par le dessin qu’un concepteur donne forme à l’objet qu’il étudie, qu’il le communique à autrui et avant tout qu’il se le représente à lui-même. S’il est avéré que les professionnels de l’architecture utilisent diverses figures comme outils pour représenter et transmettre graphiquement un objet encore inexistant, le champ théorique de la discipline possède par contre peu d’outils méthodologiques permettant de témoigner ou d’analyser minutieusement in vivo la dimension heuristique des échanges entre concepteurs mobilisant plusieurs modalités de communication simultanées.

Or, les travaux empiriques de Charles Goodwin (UCLA) inspirés de l’ethnométhodologie et de Lorenza Mondada (UNI Basel) issus de la linguistique appliquée, se sont attachés à l’étude de situations discursives multimodales et ont développé des méthodes découlant de l’analyse conversationnelle. Ces deux approches transdisciplinaires présentent notamment la possibilité aux chercheurs d’analyser à différents niveaux l’articulation de représentations graphiques, gestuelles et verbales et d’identifier la fonction des différentes modalités dans la construction collective du sens et dans l’élaboration d’objets de connaissance propres à une discipline.

Nous questionnerons l'intérêt de ces transferts et emprunts d’outils méthodologiques sur l’étude des interactions entre architectes : comment nous aident-ils potentiellement à cerner les procédés par lesquels ces acteurs co-élaborent des objets de savoir utiles pour leur activité ? Quelles contributions inédites produisent-ils pour approcher la cognition dans les processus de conception ? Cette étude expérimentale et réflexive sera enfin l’occasion de décrire brièvement les limites d’une translation des outils de l’analyse interactionnelle située sur l’appréhension des pratiques professionnelles de conception architecturale.