Abstract :
[en] With the rise of cognitive sciences, the nature/culture debate has been reignited, and this debate
often takes the form of a discussion about the opportunities and dangers of the naturalization
of the social. Faced with what they perceive as a threat and an invasion of their discipline by
the natural sciences, social science researchers often react by denying that natural sciences
have any relevance for their own discipline, as though the biological and cultural aspects
of human beings were separate entities, each one being a subject for individual study. This
only serves to widen the gulf between two sister-disciplines, increases the polarization of
the nature/culture duality and makes it even more difficult to connect the two. The point
of view put forward in this paper shifts the emphasis of these discussions slightly. It does
not take account of the contributions, whether desirable or not, made by natural sciences to
sociology or anthropology, but rather argues in favor of a sociology of primates. By using
examples drawn from cooperation studies, this paper aims to point to some problems that
demonstrate the limitations of biological explanations for social behavior in primates. If we
look beyond these limitations, there lies an unnamed world ripe for exploration by social
science. This involves the invention of new methods and the definition of new objects (such
as “affective cultures” for example) that appear to be composites of nature and culture. An
empirical study of these composites would perhaps pave the way for a future understanding of
the way in which biological and social determinants are woven into the reality of individual and
collective histories. This would, in turn, make it possible to better identify the innate elements
of the social skills of primates and to limit the importation of adaptationist theories into social
sciences. In other words, the issue here is to replace an ideological debate with empirical
questions.
[fr] Avec l’arrivée des sciences de la cognition, le débat nature/culture a repris vigueur, souvent
sous la forme de discussion quant aux opportunités et dangers de la naturalisation du social.
Face à ce qu’ils ressentent comme une menace et un envahissement de leur discipline par
les sciences naturelles, les chercheurs en sciences sociales réagissent parfois en niant toute
pertinence aux sciences de la nature pour leur propre discipline, comme si les parts biologiques
et culturelles de l’humain étaient séparées, chacune faisant l’objet d’études autonomes. Ceci
agrandit le fossé entre disciplines voisines, aggrave la polarisation de la dualité nature/
culture et rend plus difficile encore leur articulation. Le point de vue qui sera développé
ici déplace légèrement l’axe de ces discussions. Il ne s’intéresse pas aux apports, désirables
ou non, des sciences de la nature pour la sociologie ou l’anthropologie, mais à l’inverse
il plaide pour une véritable sociologie des singes. Il se propose de pointer, notamment à
partir d’exemples empruntés aux études sur la coopération, quelques questions problématiques
qui suggèrent l’existence d’une limite aux explications biologiques du comportement social
chez les primates, et d’argumenter qu’au-delà de cette limite s’étend une contrée sans nom,
restée en friche, qu’il reviendrait aux sciences sociales d’investir. Cela implique l’invention de
nouvelles méthodes et la définition de nouveaux objets (comme les « cultures affectives » par
exemple) se présentant comme des composites de nature et de culture. Etudier empiriquement
ces composites permettrait probablement de comprendre sous un autre jour la manière dont
déterminations biologiques et sociales s’imbriquent dans la réalité des histoires individuelles
et collectives des primates humains et non humains. Ceci à son tour permettrait de mieux
identifier quels sont les éléments innés dans les compétences sociales des primates, et de
limiter l’importation des hypothèses adaptationnistes en sciences sociales. En d’autres mots,
l’enjeu est de remplacer un débat idéologique par des questions empiriques.