Abstract :
[fr] Au cours de ces dernières années, des plantations de Jatropha curcas L. ont été mises en place dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne pour la production d’agrocarburants sans connaissances préalables des conditions de rentabilité et des techniques de production les mieux adaptées aux contextes locaux. L’objectif du présent travail est de lever cette lacune pour la région de Kinshasa en apportant des réponses aux principales questions qui conditionnent la mise au point d’un agrosystème durable basé sur la culture de J. curcas.
Pour atteindre cet objectif, les performances d’une plantation pilote installée à proximité de la cité de Mbankana en décembre 2007 ont été évaluées et quatre essais ont été réalisés à partir de juillet 2009 à janvier 2013 dans deux sites représentatifs des conditions du Plateau des Batéké (Mbankana et Mongata) et à proximité de la rivière N’sele dans la banlieue de Kinshasa.
Les résultats obtenus montrent que les facteurs de l’environnement et les pratiques culturales ont une influence sur le rendement en graines et en huile de J. curcas. Les faibles rendements obtenus, le coût très élevé des intrants (engrais et insecticides) et les faibles quantités de graines récoltées par journée de travail sont les principales causes de l’absence de rentabilité de la culture pure de J. curcas dans les premières plantations mises en place avec du matériel végétal local subspontané.
Les principaux insectes ravageurs de J. curcas dans la zone d’étude sont les grillons Brachytrupes membranaceus Drury (Orthoptera, Grillidae) qui s’attaquent aux jeunes plantes lors de leur mise en place en saison pluvieuse (octobre à décembre), les chenilles mineuses de feuilles Stomphastis thraustica Meyrick (Lepidoptera, Gracillariidae), les chrysomèles Aphthona sp. (Coleoptera, Chrysomelidae) qui consomment le limbe des feuilles et les bourgeons, ainsi que les punaises à bouclier Calidea sp. (Heteroptera, Scutelleridae) qui causent des dégâts aux fleurs et aux capsules. Parmi ceux-ci, la chrysomèle est pour l’instant le ravageur le plus dommageable. En l’absence de traitements insecticides, le niveau des pertes de rendement occasionnées par ces insectes ravageurs atteignent 90% en culture pure sur le Plateau des Batéké. La gravité des dégâts des insectes ravageurs sur J. curcas est plus élevée en culture pure (>60%) que quand il est associé à d’autres cultures annuelles (<45%). La mise au point de méthodes durables de contrôle des ravageurs est une des conditions indispensables à l’installation de plantations de J. curcas dans la région de Kinshasa.
L’application de la taille, de la fertilisation minérale et de la couverture du sol avec Stylosanthes guianensis (Aublet) Swartz, permet d’améliorer significativement le rendement en graines de J. curcas
Onze écotypes de J. curcas, collectés dans les différentes régions de la RDC et mis en culture au Plateau des Batéké, ont montré des différences significatives en termes du développement végétatif et des rendements en graines et en huile. Le rendement moyen obtenu en 3eme année de production par l’écotype le plus productif (Panu : 473,1±3,6 kg de graines sèches ha-1) était près de 7 fois plus élevé que le rendement de l’écotype qui a produit le moins (Ilebo : 68,6±3,6 kg ha-1).
Contrairement à ce qui était annoncé dans la littérature, le temps nécessaire pour l’entrée en pleine production de J. curcas en conditions tropicales humides est supérieur à 5 ans. Il n'est pas possible de déterminer sur base de nos résultats, le niveau exact de rendement qui sera obtenu quand les plantes entreront en pleine production. Quel que soit celui-ci, le coût très élevé de la main d’œuvre nécessaire à la collecte des graines de J. curcas et au désherbage limite fortement les perspectives de rentabilité de la culture pure dans la région de Kinshasa. Dans les zones enclavées du pays, où le coût de la main d’œuvre est moindre et où le prix du diesel est plus élevé, la production de J. curcas peut constituer l’une des solutions pour résoudre les problèmes d’accès à l’énergie.