Abstract :
[fr] Produit syncrétique et protéiforme d’une très longue histoire, la physiognomonie remonte au moins au Pseudo-Aristote (IVe-IIIe siècle av. J.-C.). Très tôt, l’essentiel est déjà posé : il s’agit de considérer les manifestations physiques de l’âme. À la faveur des XVIe et XVIIe siècles, cette étude se précise avec l’association de telle détermination somatique à telle spécificité de caractère, fondant l’explication des moeurs des hommes par des traits corporels considérés comme autant de signes à interpréter. Une distinction vient ensuite faire le départ entre les caractéristiques fixes du corps et du caractère, et leurs aspects mutables. À la fin du XVIIIe siècle, sous l’influence du sensualisme et après l’étude des passions qui avait occupé le siècle classique, cette distinction fonde la séparation entre une physiognomonie au sens restreint et une pathognomonie consacrée à l’étude des signes physiques traduisant le caractère en mouvement et les signes fugitifs de l’expression humaine.
La suite de cette histoire, au XIXe siècle, fait l’objet du présent numéro d’Études françaises, qui remet en perspective les formes et les influences de la physiognomonie à ce moment stratégique de son développement. Le bouleversement des hiérarchies socio-culturelles et l’industrialisation des objets socialement distinctifs (vêtements, bijoux, cannes, ombrelles, etc.) ont certainement contribué à accentuer l’intérêt pour la physiognomonie en rendant indispensable la maîtrise d’un certain savoir social. Mais l’engouement qu’elle suscite se caractérise surtout, à ce moment, par la création de foyers institutionnels spécifiques qui la dotent d’un ancrage dans des associations scientifiques, des cercles intellectuels et des organes de presse. Il s’agira donc, indissociablement, de comprendre les raisons d’un succès et d’examiner les reconfigurations d’un héritage.