[fr] L’arganeraie, spécificité du Sud-Ouest marocain, est l’ensemble des écosystèmes dont l’espèce caractéristique est l’arganier ou Argania spinosa. Outre leurs multiples fonctions écologiques, ces écosystèmes procurent de nombreux biens pour une population pauvre vivant dans des conditions précaires. Toutefois, cet espace intrigue. En effet, à la différence des autres forêts marocaines dont les riverains ne disposent que de deux droits (la récolte de bois mort gisant et le parcours), la population de l’arganeraie a bénéficié d’une législation spéciale depuis 1925, jouissant ainsi d’une large gamme d’utilisation et d’exploitation des ressources forestières. L’image classique véhiculée de cet espace est celle d’une population autochtone, connue pour son élevage caprin, poursuivant des pratiques ancestrales, notamment l’agdal, et gérant des terrains d’arganiers dont elle tire depuis toujours une huile, aujourd’hui très prisée à l’échelle internationale, et devenue emblématique du Maroc. Les historiens nous livrent pourtant une image contrastée entre recherche de la sécurité et de terrains fertiles et fuite de l’insécurité. Parmi les différentes étapes qui ont jalonné son histoire, nous distinguons pour notre propos deux étapes principales : une première période se situe avant la délimitation des forêts et est marquée par des vagues d’immigration successives venant du sud ; la seconde, à la suite de la colonisation, a remodelé et déstabilisé la situation foncière traditionnelle dans la zone en délimitant un espace domanial. Dans cet article, nous dressons le portrait actuel de l’espace et l’ensemble des droits qui le régissent. Cette construction sociale résulte d’une histoire riche et tourmentée, ayant affecté les modes de gestion des territoires. Pour ce faire, nous avons mobilisé des données d’historiens et d’enquêtes qualitatives et quantitatives réalisées dans le cadre de ce travail ; ces dernières se sont déroulées auprès de 100 ménages, principalement au niveau de trois communes rurales autour du massif du Jbel Amsitten. Il constitue l’une des dix-huit zones centrales de la Réserve de Biosphère de l’arganier, dans le Sud-Ouest marocain. Etant donné que les enquêtes s’intéressent aux usages et pratiques des ménages enquêtés, mais aussi de leurs aïeuls et ascendants, ce travail de recherche pourrait contribuer à reconstruire l’histoire de la zone à partir de celle des personnes interviewées via la compréhension de leur implantation spatiale ou temporelle. Nos enquêtes nous montrent que la population est issue d’un brassage récent d’émigrants du sud. Il s’en suit une trame de droits récemment forgée ; le domanial étant bien distinct du privé avec un rétrécissement des droits concédés par les Français. Renouer avec le corpus de règles qu’entretenait la population avec cet espace-ressources, pourrait être à notre avis, une des principales portes d’entrées à leur conservation.
Mougenot, Catherine ; Université de Liège - ULiège > DER Sc. et gest. de l'environnement (Arlon Campus Environ.) > DER Sc. et gest. de l'environnement (Arlon Campus Environ.)
Mormont, Marc ; Université de Liège - ULiège > DER Sc. et gest. de l'environnement (Arlon Campus Environ.) > Socio-économie, Environnement et Développement