[fr] Les récits ethnographiques et les réflexions que je vais présenter dans cet
article sont issus d’une recherche menée dans les villes marocaines de
Khouribga et de Rabat entre 2007 et 2008. L’étude concerne la mobilité
d’un groupe de jeunes « khouribgii » inscrits dans des projets migratoires
vers l’Italie ainsi que les actions et les discours de certains organismes humanitaires
(internationaux et locaux) s’occupant de thématiques liées à la
migration.
L’utilisation d’une distinction terminologique adoptée ici entre mobilité
d’une part et migration d’autre part, a été choisi pour représenter une différenciation
opérée entre l’expérience faite de la mobilité par ces jeunes à
travers leur préparation à la migration, et le blâme et l’entrave à l’action de
migrer opérée dans les discours et par les actions des ONG.
D’un côté nous avons donc une mobilité qui s’exerce dans l’imaginaire de
ces jeunes, tout comme dans des pratiques concrètes mises en place pour
réaliser le projet migratoire (qui comportent l’apprentissage d’instruments
utiles à l’affronter, tels que la langue italienne ou la capacité de mouvement
à travers l’appareil législatif international et national qui régisse la
migration) ; une mobilité qui s’exerce également dans la participation aux
réseaux migratoires familiaux ; et de l’autre côté, une migration dissuadée
par les programmes humanitaires ou sociaux. Ces derniers consentent une
mobilité qui puisse s’accomplir dans un rapprochement « virtuel » au pays
de destination, à travers notamment des cours de « culture italienne »,
mais en détournant la définition des parcours migratoires personnels et en
les insérant dans la rhétorique de la « migration intelligente », c’est-à-dire
en demandant que, s’ils arrivent à être réalisés, ils soient utiles au « développement
» de la communauté locale d’origine.
A travers l’analyse de ces aspects, cet article vise donc à démontrer la réalité
des déplacements des jeunes interviewés, malgré leur permanence sur le
territoire marocain, la concrétisation de leur aspiration de migration dans
l’expérience de la mobilité, en remettant donc en cause la frontière entre les
deux concepts définis ci-dessus.