Abstract :
[fr] Les universités africaines francophones sont confrontées depuis un peu moins d’une décennie à la construction « d’un espace mondial de l’enseignement supérieur » (Charlier & Croché, 2004). Percevant progressivement les enjeux à ne pas rester en dehors de la course, elles subissent par la même une sorte d’injonction à mettre en branle un processus similaire au modèle européen, lequel semble faire école à une échelle mondiale. Elles n’ont pourtant pas été intégrées au sein du processus antérieur de la Sorbonne-Bologne (Charlier & Croché, 2004). Mais surtout, dans le même temps, elles doivent faire face à des problématiques qui leur sont propres : accroissement massif de leurs effectifs, gestion des flux de leurs étudiants dans un contexte, d’une part, de rareté des ressources économiques, humaines, matérielles et logistiques et, d’autre part, de politiques internationales de rentabilité des investissements en éducation et de priorité à l’éducation de base.
Ce chapitre rend compte d’une enquête de terrain de type ethnographique réalisée sur le campus de l’Université de Ouagadougou au cours des mois de juillet et août 2005. L’objectif premier était de se pencher sur les attitudes et les discours des acteurs de cette communauté universitaire spécifique à l’égard de la mise en œuvre du LMD au sein de l’enseignement supérieur burkinabè : les responsables universitaires et autres en charge du projet, les professeurs, enfin, les étudiants. Mais sur le terrain, nous avons été confrontée à quelques difficultés : il n’a en effet pas été aisé d’obtenir de larges réactions sur le système LMD tant au niveau des responsables et des enseignants que des étudiants. Loin d’être insignifiant, ce décalage est révélateur de la situation périphérique d’un campus africain à l’égard de politiques éducatives qui se jouent à un niveau mondial. Il informe déjà sur les modalités d’insertion des universités africaines francophones dans un processus qui s’impose à elles plus qu’elles ne le choisissent.
Il sera donc moins question dans ce chapitre de « l’arrangement local » d’une situation particulière (Boltanski, 1999 : 307). Plutôt, tout au long de notre analyse de la réception ouagalaise du système LMD, nous centrerons notre attention, comme le propose Arjun Appaduraï, sur l’imagination des acteurs dans les conjonctures actuelles de la mondialisation (Appaduraï, 2001). Nous chercherons ainsi, d’une part, à saisir l’objet réel des préoccupations respectives aux acteurs rencontrés, que nous avons distribués pour la similarité de leurs propos entre les responsables locaux en charge de la mise en œuvre du LMD et les enseignants d’un côté, les étudiants, de l’autre. Mais aussi, nous tâcherons d’éclairer la manière dont ces différents acteurs se pensent, se représentent et se présentent dans leurs différences avec les universités du Nord et dans leurs relations avec leurs partenaires occidentaux. Le recours à cette grille de lecture nous permettra de dégager quelques réflexions sur la situation de l’enseignement supérieur burkinabè, mais aussi un tant soit peu sur la situation des autres universités africaines, dans un contexte de fait de globalisation.