Abstract :
[fr] La lumière influence profondément la physiologie humaine, en plus de permettre la vision. Elle constitue le synchronisateur principal des rythmes circadiens et induit des effets physiologiques immédiats. Ces effets concernent des fonctions non-visuelles telles que la régulation du rythme veille/sommeil, de la température corporelle, de fonctions endocrinologiques, de l’éveil et des performances. Plusieurs études de ces effets réalisées chez l’animal et chez l’homme ont montré l’implication d’un système de photoréception non-visuel sensible surtout aux courtes longueurs d’onde (~470nm ; bleu). Ce système utilise les photorécepteurs classiques (cônes et bâtonnets), en plus de cellules ganglionnaires rétiniennes (CGR) intrinsèquement photosensibles, et exprimant la mélanopsine. Ces CGR se connectent à de nombreux noyaux sous-corticaux et corticaux, ce qui suggère un rôle du système non-visuel dans de nombreuses fonctions cérébrales. Cependant, au delà de ces projections rétiniennes directes, les autres régions du cerveau impliquées sont très peu connues. Une étude en tomographie par émission de positons (TEP), réalisée à l’Université de Liège, a démontré que l’effet éveillant d’une lumière nocturne intense (>8000lux) pouvait moduler l’activité cérébrale liée à une tâche attentionnelle. Cette étude, ainsi que quelques données d’EEG, résume notre connaissance des mécanismes cérébraux impliqués dans le système non-visuel chez l’homme. De plus, la majorité des études sur ces effets ont été entreprises la nuit.
Nous avons réalisé trois études en imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf) utilisant des expositions lumineuses diurnes pour mieux caractériser le système cérébral non-visuel chez l’homme. L’IRMf bénéficie d’une meilleure résolution spatiale et temporelle que la TEP et permet la caractérisation d’activités cérébrales liées à un processus cognitif précis.
La première étude met en évidence des réponses cérébrales liées à une tâche attentionnelle avant et après une exposition lumineuse intense (>7000lux) de 21min. L’amélioration de l’éveil subjectif induite par la lumière est liée à une augmentation de l’activité thalamique. De plus, la lumière augmente l’activité d’un réseau de régions corticales impliquées dans la tâche, prévenant les diminutions d’activités observées en obscurité continue. Ces augmentations déclinent en quelques minutes après l’arrêt de la lumière, en suivant des dynamiques diverses spécifiques à chaque région. Ces premiers résultats suggèrent que, via une modulation de l’activité de structures sous-corticales régulant l’éveil, la lumière peut promouvoir dynamiquement l’activité corticale de réseaux impliqués dans un processus cognitif non-visuel.
La deuxième étude montre que de courtes expositions (18min) à des lumières monochromatiques (3x1013ph/cm2/s) bleues (470nm) ou vertes (550nm) affectent différemment les réponses cérébrales liées à une tâche de mémoire de travail. La lumière bleue augmente les réponses cérébrales ou, du moins, prévient les diminutions observées sous lumière verte dans des cortex pariétaux et frontaux impliqués dans la mémoire de travail, ainsi que dans le thalamus. Ces résultats montrent qu’une lumière monochromatique peut rapidement influencer les fonctions cognitives et suggèrent que ces effets sont induits via un système de photoréception qui utilise la mélanopsine.
Ces résultats démontrent qu’une exposition lumineuse diurne peut moduler l’activité cérébrale non-visuelle liée à deux fonctions cognitives complexes. La lumière agit rapidement en fonction de la région cérébrale et de la longueur d’onde considérées. Les sensibilités aux différentes longueurs d’ondes suggèrent l’implication d’un système de photoréception utilisant la mélanopsine. XXX. Les résultats suggèrent également une implication étendue de la lumière dans la régulation des fonctions cérébrales chez l’homme et soutiennent son utilisation pour contrecarrer la somnolence diurne et traiter des désordres circadiens et psychiatriques.