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Abstract :
[fr] En 1972, après avoir organisé et perpétré de nombreux assassinats et attentats en Allemagne de l’Ouest, les principaux membres fondateurs de la Fraction Armée Rouge sont arrêtés. En prison, forcés à l’inaction, ils font plusieurs grèves de la faim pour protester contre les traitements que leur inflige le système carcéral. En novembre 1974, Holger Meins meurt d’une de ces grèves, annihilant lui-même toute possibilité d’une action ultérieure. Quelques semaines plus tard, sensibilisé aux conditions de détention des prisonniers politiques ouest-allemands, Jean-Paul Sartre rencontre Andreas Baader à la prison de haute sécurité de Stuttgart-Stammheim.
Largement médiatisée, cette visite attise la polarisation des débats autour de la RAF en Allemagne, et conforte les détracteurs de Sartre qui voient en lui un idéologue sur le déclin. En octobre 1977, l’histoire du terrorisme allemand atteint un nouveau paroxysme médiatique avec l’assassinat de Hanns Martin Schleyer et le suicide des têtes pensantes de la RAF à Stammheim. En réaction aux événements de cet automne allemand, quelques chefs de file du Nouveau Cinéma Allemand réalisent alors un film collectif, Deutschland im Herbst. Considérés pour la plupart comme des « sympathisants », les réalisateurs de ce film (Fassbinder, Schlöndorff, Kluge, Böll e.a.) s’exposent eux aussi à une réception prévisible et politiquement stérile de leur œuvre.
Pourtant, loin d’être des suicides politiques, la grève de la faim, la visite de Sartre et la réalisation collective de Deutschland im Herbst proposent un ensemble de remises en jeu qui dépassent la stérilité d’actes pré-vus. Au lieu de seulement attiser la polarisation des débats de l’époque, les grévistes, Sartre et les réalisateurs conduisent aussi la lutte jusqu’à une forme d’épure en engageant leur propre corps, corpus ou statuts d’auteurs reconnus, pour passer outre à l’inaction forcée.