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Abstract :
[fr] Le tiludronate (Tildren™, CEVA Santé Animale, Libourne, France) est un bisphosphonate
récemment introduit sur le marché dans plusieurs pays européens pour le traitement du
syndrome podotrochléaire (syndrome naviculaire) et de l’ostéoarthrose des articulations
intertarsienne distale et tarso-métatarsienne (éparvin) chez le cheval. Il est le premier
bisphosphonate disponible en médecine vétérinaire en général, et en médecine équine en
particulier.
La posologie de tiludronate qui a fait l’objet d’un enregistrement dans différents pays
d’Europe est de 10 administrations quotidiennes consécutives de 0.1 mg/kg sous forme de
bolus intraveineux. Or, il ressort de la pratique courante que l’administration de la dose totale
de 1 mg/kg en une perfusion lente unique est préférée par les utilisateurs pour des raisons
pratiques et financières. Il ressort aussi de différentes études que cette forme d’administration
est bien tolérée (Varela et al., 2002) et efficace dans certaines pathologies (Coudry et al.,
2007). La première étude de ce travail a consisté en la comparaison pharmacologique de ces
deux schémas posologiques. Il en est ressorti qu’ils produisaient une même exposition
plasmatique totale et des effets similaires sur le marqueur plasmatique de résorption osseuse
carboxy-télopeptide de collagène de type I (CTX-1). Il en a été conclu que les dix
administrations quotidiennes consécutives de 0.1 mg/kg pouvaient être remplacées par la
perfusion intraveineuse lente unique de 1 mg/kg.
Les bisphosphonates sont caractérisés par des propriétés pharmacologiques très spécifiques et
inhabituelles, de par leur forte affinité pour l’os et leur stockage à long terme dans ce
compartiment profond. De ce fait, les modèles PK-PD classiques qui mettent en relation
mathématique les concentrations plasmatiques avec les effets du médicament sont inadaptés
pour décrire le comportement pharmacologique des bisphosphonates, et il est suggéré que les
concentrations osseuses doivent être davantage prises en compte pour le développement de
tels modèles (Cremers et al., 2005). Dans le but final de développer un modèle PK-PD du
tiludronate chez le cheval, une méthode de biopsie osseuse permettant la répétition de dosages
de tiludronate osseux a été validée dans la seconde étude de cette thèse. Dans celle-ci, huit
chevaux ont subi des biopsies osseuses bilatéralement en quatre sites (le tuber coxae, le
métacarpien principal, la 13ème côte et l’os cuboïde) à différentes échéances s’étalant de 1 jour
à 1 an après 1 (n=4) ou 2 (n=4, à 4 semaines d’intervalle) traitements au tiludronate de 1
mg/kg par voie intraveineuse. En chaque site, les biopsies osseuses ont été effectuées à la fois
à l’aide d’une fraise électrique de 5 mm de diamètre interne (Implanteo™, Anthogyr) pour
l’échantillon test et d’un ostéotome ou d’une scie oscillante pour les échantillons de référence.
Le tuber coxae s’est avéré être le meilleur site de biopsie, à la fois accessible, facile à
biopsier, et sur lequel les dosages de tiludronate ne présentaient pas de difficultés techniques
et étaient fiables. Malheureusement, ces biopsies n’offraient pas un matériel qualitativement
et quantitativement suffisant que pour permettre des analyses histologiques et
histomorphométriques. Dans une troisième étude, a donc été testée sur quatre chevaux la
validité pour ce type d’analyses d’une autre technique de biopsies, utilisant un plus grand
trocart que dans l’étude 2 (15 versus 5 mm de diamètre interne), et de type manuel. Les
biopsies ont été réalisées sur cheval debout au niveau du tuber coxae avant (côté gauche) et
48 h après (côté droit) l’administration d’une perfusion intraveineuse lente de 1 mg/kg de
tiludronate. Les biopsies ainsi réalisées ont permis d’effectuer les analyses escomptées.
Cependant, aucun effet précoce du traitement au tiludronate n’a pu être mis en évidence sur
les paramètres histologiques et histomorphométriques étudiés.
Aucun modèle expérimental équin relatif aux pathologies pour lesquelles le tiludronate a été
enregistré n’existe. Or il est indispensable, pour mieux en cerner les propriétés
pharmacologiques et les applications cliniques potentielles, de tester son efficacité en
conditions standardisées. L’immobilisation d’un membre sous plâtre est connue pour induire
de l’ostéopénie de non usage chez le cheval (Buckingham et Jeffcott, 1991; van Harreveld et
al., 2002). Dans la quatrième étude de ce travail, l’efficacité clinique du tiludronate versus
placebo a été testée dans les conditions standardisées d’un modèle équin d’ostéopénie induite
par immobilisation sous plâtre d’un membre antérieur pendant 8 semaines. Seize chevaux ont
ainsi été immobilisés, dont huit ont été traités au tiludronate 1 mg/kg en perfusion lente deux
fois à quatre semaines d’intervalle, soit en début et à mi-immobilisation, et huit ont reçu un
placebo. Après la période d’immobilisation, les chevaux ont été progressivement remobilisés
pendant 4 semaines puis ont subi un entraînement standardisé pendant 8 semaines. Le
traitement au tiludronate a permis de prévenir la chute significative de densité minérale
osseuse (DMO) mesurée par absorptiométrie biphotonique (DEXA) observée à long terme au
niveau du membre immobilisé des chevaux du groupe placebo. Cet effet préventif ne s’est pas
marqué sur le membre controlatéral. Le tiludronate a également induit chez les chevaux traités
des chutes rapides et significatives des taux de CTX-1 sérique, contrairement aux chevaux du
groupe placebo chez qui ces taux sont restés élevés pendant la quasi-totalité de
l’immobilisation. Aucun effet du tiludronate n’a été constaté sur l’activité des iso-enzymes
osseuses des phosphatases alcalines (bone ALP), marqueur de formation osseuse, ni sur les
caractéristiques du cortex superficiel du canon du membre immobilisé évaluées par
ultrasonographie quantitative (QUS).
De l’ensemble de ces travaux, il a été conclu que
(1) le CTX-1 sanguin est un marqueur de résorption osseuse sensible et adéquat pour le suivi
d’un traitement au tiludronate chez le cheval ;
(2) le tuber coxae est un site de biopsie osseuse adéquat pour effectuer les analyses
nécessaires à l’élaboration d’un modèle PK-PD du tiludronate chez le cheval ;
(3) le tiludronate est capable d’inhiber la résorption osseuse dans un modèle d’immobilisation
chez le cheval, et la DEXA est une méthode suffisamment sensible pour l’objectiver en
quelques mois ;
(4) de nouvelles études pharmacologiques devraient être menées afin de documenter
l’accumulation osseuse et les effets du tiludronate sur différents paramètres
pharmacodynamiques en cas d’administrations répétées de perfusions de 1 mg/kg chez le
cheval. Pour ce faire, des techniques plus sensibles de dosage du tiludronate devraient
idéalement être utilisées dans un souci d’exactitude des données.
D’autre part, de nouvelles études cliniques d’efficacité sur des chevaux souffrant de
pathologies osseuses devraient être menées en incluant des mesures de CTX-1, et si possible
des mesures de DMO à différents sites d’intérêt.