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Abstract :
[fr] Malgré l’avènement du courant féministe dans les sciences humaines et sociales, les femmes privées de liberté constituent encore aujourd’hui une population qui demeure invisible. La sous-représentativité des femmes dans les statistiques pénales peut en partie expliquer le manque d’intérêt conféré à cette population de la part des politiques publiques et ce à travers le monde. En effet, trop peu nombreuses pour compter, les femmes ont souvent été les grandes oubliées du système carcéral dans son ensemble, ce dernier ayant été pensé par et pour les hommes. En réponse à cette tendance généralisée, les intervenants et praticiens du secteur pénitentiaire sont de plus en plus nombreux à dénoncer les conséquences d’une prise en compte et d’un accompagnement non différenciés des hommes et des femmes et ce au regard des temporalités propres à la chaîne pénale, c’est-à-dire avant, pendant et après l’incarcération, en vue notamment de prévenir le passage à l’acte délinquant, de proposer une prise en charge intra muros adaptée ainsi qu’un plan de reclassement sur mesure aux populations concernées. En appui, les chercheurs s’étant intéressés aux parcours de vie de femmes privées de liberté insistent de plus en plus sur l’existence de besoins et de facteurs de risques sensibles au genre – ou sexospécifiques – qui mériteraient d’être considérés dans la prise en charge de populations aux prises avec le système pénal.
La présente contribution vise dès lors à proposer un état des lieux du profil des femmes condamnées à une peine privative de liberté au sein des quatre prisons belges francophones. À partir d’une approche quantitative fondée sur la consultation systématique des dossiers pénitentiaires des femmes entre 2019 et 2021 (N≈1.044), les données récoltées permettent de révéler une série de caractéristiques propres à cette population. Les femmes condamnées sont pour la majorité incarcérées pour des infractions contre les biens et les propriétés – de nature non violente – et présentent par ailleurs une série de vulnérabilités sur les plans social, économique, individuel et relationnel (faible niveau d’instruction, précarité professionnelle et de logement, la présence d’une consommation, de relations sociales dysfonctionnelles, etc.) permettant de souligner l’existence d’un lien indéniable entre vulnérabilités et délinquance féminine. En outre, la mise en évidence de caractéristiques propres à cette population carcérale présente plusieurs intérêts : le premier consiste à alimenter les connaissances à propos des femmes délinquantes en vue d’obtenir une vision actualisée de cette population invisibilisée. De plus, l’apport d’indicateurs spécifiques aux femmes privées de liberté permet d’offrir une base de comparaisons futures avec la population masculine. Enfin, l’ensemble de ces caractéristiques serviront de point de départ à la réflexion en vue de la construction d’une prise en charge et d’un accompagnement adaptés tenant compte des dimensions de genre.