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Abstract :
[fr] D’un côté, on admet généralement que les psychopathologies comportent quelque chose de “plus” que les réactions “normales” à des problématiques existentielles. Par exemple, Binswanger a insisté dès 1960 sur la nécessité de différencier l’humeur sombre “existentielle”, de la mélancolie en tant que forme clinique de maladie. Dans la même lignée, la psychiatrie classique a défini la mélancolie comme une dépression endogène, précisément à cause de l’absence de relation suffisamment compréhensible entre le déclenchement de la crise et les évènements de vie dans l’histoire de la personne.
D’un autre côté, certains auteurs (Aho, 2013 ; Danielsson & Rosberg, 2015 ; Dewez, 2017 ; MacGregor, 2012) perçoivent les descriptions existentielles d’Heidegger sur le profond ennui et l’être-au-monde, ou de Sartre sur l’angoisse et la liberté, comme heuristiques pour comprendre les psychopathologies, notamment la problématique dépressive. De manière générale, une certaine phénoménologie considère que toute psychopathologie est liée aux conditions existentielles les plus fondamentales. Fuchs (2013) va jusqu’à proposer la fondation d’une psychopathologie des situations limites. Il suggère que, face à l’absurdité fondamentale de l’existence (si bien démontrée par Camus, 1942), chacun passe son temps à trouver des abris, ce qui permet d’éviter de se trouver aux prises avec une détresse permanente. Cependant, lorsque ces abris volent en éclat – lorsque nous sommes confrontés à une situation limite –, la psychopathologie risque d’apparaître. À propos de la dépression, Fuchs écrit : “La descente dans la dépression est une réponse à une expérience lors de laquelle la futilité de tout évitement et de toute statégie de sauvegarde s’est révélée” (p. 307).
À la lumière de ces points de vue opposés, quelles articulations peut-on finalement concevoir entre la dépression en tant que psychopathologie d’une part, et les situations-limites telles que définies par Jaspers d’autre part ? C’est à cette question que nous proposerons de répondre.