Comparer l’incomparable ? Neutralités pontificale et liégeoise en pratique (XVIe-XVIIe siècles)

Comparer l’incomparable ? Neutralités pontificale et liégeoise en pratique (XVIe-XVIIe siècles)
Par ce clin d’œil au titre du fameux essai de Marcel Detienne, mon souhait est de soumettre deux constructions politiques a priori dissemblables à l’exercice de la comparaison, en interrogeant en vis-à-vis leurs pratiques de la neutralité politique au cours de la première modernité. En choisissant de rendre comparable une petite principauté ecclésiastique du Nord-Ouest de l’Empire et le siège de l’autorité spirituelle de la catholicité, l’objectif est de balayer assez largement les diverses manières d’être neutre aux XVIe et XVIIe siècle, tout en mettant au jour des proximités et des analogies qui permettraient de participer à la réflexion commune sur les critères définitoires du phénomène de la neutralité politique prémoderne.
Dans un premier temps, je reviendrai sur les contextes dans lesquels la neutralité liégeoise et l’ecclésiologie du Padre Comune pontifical se développent et quelles formes elles prennent. Cette partie permettra de relever que dans les deux cas, la neutralité nait de l’expérience et la mémoire traumatique d’un urbicide (Liège, 1468 ; Rome, 1527), et de la nécessité d’une renaissance basée sur la compréhension des limites de sa propre puissance, dans un arc chronologique où la force d’un État a désormais tendance à être mesurée à l’aune de sa taille, sa richesse et sa population. Dans un deuxième temps, ma présentation portera sur les textes (juridiques, diplomatiques, historiques, polémiques…), les gestes (positionnement des corps, préséances, manœuvres d’évitement et de refus, vêtements, manifestation des émotions…) et les paroles (objectivation du discours, recours à des autorités supérieures, neutralisation de l’agent de l’État…), en bref les lieux rituels où ces deux neutralités s’incarnent. Dans un troisième temps, enfin, je m’intéresserai aux effets concrets de ces deux neutralités, en me demandant ce qu’elles produisent. Cette dernière réflexion se fera notamment en ayant recours à des textes qui refusent, disqualifient ou dénigrent ces neutralités en pointant les contradictions de leur mise en œuvre.