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Abstract :
[fr] Si le dernier roi Valois a retenu, ces dernières années, l’attention de plusieurs chercheurs en histoire, littérature et histoire de l’art, « l’énigme Henri III1 » demeure encore, à bien des égards, non résolue. La notion de réputation semble particulièrement pertinente pour dissiper une partie du brouillard puisque ce dernier trouve, au moins en partie, son origine dans la légende noire dont le souverain a été victime de son vivant puis jusqu’au XXe siècle au moins2. Aussi cette communication propose-t-elle d’exploiter la notion de réputation pour, tout à la fois, lever une partie de ce voile et proposer des éléments d’explication à propos des ambiguïtés qui n’ont de cesse d’entourer ce souverain. L’exposé sera structuré en deux temps exploitant chacun un corpus de textes différent.
Premièrement, une étude des libelles imprimés par la Ligue entre l’assassinat des Guise et le régicide d’HenriIII (soit de janvier à août 1589) révélera quelle réputation les catholiques zélés ont construite d’Henri III : seront envisagés les traits caractéristiques du roi, les formes textuelles par lesquelles le portrait en est brossé et les enjeux politiques d’un tel procédé. Cette étape révélera la cohérence du discours ligueur dans sa dénonciation de l’hypocrisie du roi à travers une large gamme discursive. Cette première partie permettra donc de préciser les modifications que l’imprimerie insuffle à la réputation en la diffusant auprès d’un large public. À travers le cas de quelques travaux historiques postérieurs, on montera que ces arguments forgés dans un contexte polémique ont été repris, avec peu de discernement, dans une littérature ultérieure. Il s’agira alors d’étudier comment une réputation s’est construite par héritages de griefs agressifs transformés en lieux communs pseudo-érudits.
Deuxièmement, onze imprimés polémiques diffusés par les imprimeurs du roi durant le troisième semestre de l’année 1588 seront étudiés afin de reconstituer l’action d’Henri III durant les deux premières séances des États généraux de Blois (16 et 18 octobre 1588). Ils permettront de montrer que le roi a soigneusement planifié une mise en scène de sa propre réputation afin de séduire une assemblée politique composée majoritairement de ligueurs, puis a réadapté sa stratégie en fonction du déroulement des États, et enfin a souhaité faire diffuser une version idéalisée de ces événements à travers ces imprimés officiels. Il s’agira de mettre en tension les griefs formulés début 1589 par les ligueurs avec la ligne politique et communicationnelle adoptée par Henri III quelques mois plus tôt.
À travers ce double mouvement, cette communication entend exploiter la force épistémologique du contraste pour réévaluer les liens entre la réputation en tant qu’image et son contenu, c’est-à-dire envisager les deux faces contradictoires de sa construction par le prisme d’une même figure. Elle explorera la dimension plastique d’une réputation à travers le feu d’imprimés polémiques parus en grande nombre et définira sa nature paradoxale en la confrontant aux traces qu’Henri III a laissées de son action politique.