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Abstract :
[fr] Qu’elle soit subie ou désirée, la perte d’un emploi apparait pour la plupart des personnes qui la vivent comme une bifurcation (Grossetti, 2006), voire comme une rupture professionnelle (Denave, 2017). Celle-ci est d’autant plus marquée lorsqu’elle s’accompagne de problèmes de santé physique ou mentale menant à une reconversion professionnelle nécessaire.
Pour permettre à un travailleur de retrouver lui-même et le plus rapidement possible un emploi ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant, il existe en Belgique, un dispositif obligatoire de reclassement professionnel, nommé outplacement. Celui-ci se définit comme « un ensemble de services et de conseils de guidance fournis individuellement ou en groupe par un tiers [...] pour le compte d’un employeur, afin de permettre à un travailleur [licencié] de retrouver lui-même et le plus rapidement possible un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant »1. Ce dispositif, créé en 1992, a joué un rôle central au sein des politiques publiques de l’emploi (Henry, 2016) pour devenir aujourd’hui un instrument d’activation à part entière (Berthet & Conter, 2011) afin de favoriser la remise à l’emploi des travailleurs licenciés et in fine contribuer à l’augmentation du taux d’emploi en Belgique (Barbier & Ludwig-Mayerhofer, 2004). Bien que l’outplacement soit devenu un droit social « universel », il s’adresse, dans les faits, à quatre catégories de travailleurs licenciés. L’accessibilité à ces quatre catégories ainsi que la teneur des services associés à chacune d’entre elles dépendent de caractéristiques préalablement fixées par le législateur: l’âge du travailleur au moment de la perte de son emploi, son ancienneté dans la fonction, la durée de son préavis ou de son indemnité de rupture et sa santé physique/mentale. En réalité, ces catégories ne rendent pas compte de la diversité des facteurs individuels et interpersonnels des travailleurs licenciés ainsi que des facteurs internes à leur reclassement : un travailleur licencié pouvant cumuler différentes caractéristiques au sein d’une même carrière professionnelle. Ce décalage questionne dès lors le non- recours de certains travailleurs ou des situations de « parking » au sein du dispositif (Koning & Heinrich, 2013).
Dès lors, cette communication s’allèle à démontrer le caractère réducteur et irréaliste de la classification légale en proposant une typologie circonstanciée empiriquement à partir de l’expérience vécue des travailleurs licenciés via une approche multidimensionnelle prenant en compte, de manière évolutive et adaptative, leurs situations singulières (Feys, 2021). Elle vise à répondre à la question suivante : comment le reclassement professionnel en Belgique doit-il se réinventer face à la dynamique des situations de travail et à la diversité des mises en mouvement des travailleurs ayant perdu leur emploi ? Elle s’inscrit, pour ce faire, dans le cadre d’une recherche qualitative de nature compréhensive (Dumez, 2013), réalisée dans le secteur de l’outplacement en Belgique entre décembre 2021 et novembre 2022. Elle repose sur trois méthodes de recueil de données : (1) l’analyse documentaire des littératures grise, scientifique et juridique relatives à l’outplacement (Bowen, 2009) ; (2) la réalisation de 46 entretiens semi-directifs (Blanchet & Gotman, 2007) avec différentes catégories d’acteurs (acteurs institutionnel et spécialistes, représentants syndicaux et patronaux, employeurs, consultants et travailleurs licenciés) et (3) la tenue de 2 entretiens collectifs (Touré, 2010) avec des travailleurs licenciés en reclassement professionnel.