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Abstract :
[fr] La cuticule des arthropodes est étudiée depuis de nombreuses années du point de vue de sa
structure que de sa composition car elle présente des caractéristiques faisant d’elle un
biomatériau remarquable servant de base à la synthèse de matériaux bio-inspirés. Le mode
de vie des différentes espèces d’arthropodes a mené à l’apparition de différentes
spécialisations de la cuticule dont des renforcements localisés. Ces derniers peuvent être de
deux types : modification de la composition de la matrice de la cuticule par minéralisation, par
sclérotisation ou incorporation de métaux ou modification de la structure par des
changements dans l’orientation des fibres. Récemment, quelques équipes se sont penchées
sur une éventuelle augmentation de la résistance mécanique de zones cuticulaires due à
l’incorporation d’halogènes dans des zones sclérotisées.
Sur cette base, nous avons décidé d’étudier des pièces squelettiques impliquées dans le
traitement mécanique de la nourriture (extrémité des pinces, bord tranchant des mandibules
et dents stomacales) chez des crustacés décapodes afin de caractériser le type de
renforcement présent. Les espèces, Gecarcinus quadratus (brachyoure), Coenobita perlatus
et Pagurus cuanensis (pagures), qui ont été choisies sur base de leur mode de vie.
L’analyse des pièces aux microscopes électroniques à balayage, à transmission et par la
microanalyse aux rayons X, ont mis en évidence trois types de renforcements. Le premier est
l’augmentation du taux de minéralisation et a été rencontré dans les mandibules des trois
espèces. Les deux derniers se sont montrés plus insolites. L’extrémité des pinces des pagures
présente une structure semblable à un ongle, constituée uniquement par un épaississement
de l’épicuticule, couche la plus externe de la cuticule. Nous y avons décelé la présence de Cl
et de Br. C’est au niveau de l’extrémité ambrée de la pince de G. quadratus ainsi que dans la
surface ambrée des dents stomacales des trois espèces qu’une structure des plus
remarquables a été identifiée. Nous y avons observé la présence d’halogènes (Cl uniquement
chez G. quadratus et Cl et Br chez les pagures) et une architecture constituée de prismes
polyédriques traversant l’endocuticule ambrée. Ces polyèdres, que nous expliquons comme
laissés par les prolongements cytoplasmiques des cellules de l’épiderme, présentent un
niveau d’imprégnation par du matériel épicuticulaire différent selon la zone d’observation et
sont cerclés par des fibres chitino-protéiques. Leur ressemblance frappante avec la dentine
des mammifères nous a amenés à la nommer « dentine organique prismatique ». Cette
découverte nous laisse présager que cette structure doit présenter des caractéristiques
mécaniques remarquables qui pourraient être une inspiration pour le développement de
nouveaux matériaux bio-inspirés.