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Abstract :
[fr] Le congrès de Westphalie (1643-1649) est, depuis le XIXe s., interprété comme un tournant dans le passage de la chrétienté médiévale à l'Europe des États, sanctionnant l'affaiblissement diplomatique de la papauté. Cet ouvrage se propose de reconsidérer cette double interprétation. En faisant l'analyse des représentations que les nonces apostoliques bâtissent à travers leur expérience du congrès de Westphalie, l'objectif est de déterminer l'influence de ce dernier sur la culture diplomatique du Saint-Siège au milieu du XVIIe s. Contre l’historiographie traditionnelle, il est démontré que les regards jetés par les prélats romains sur les traités de 1648 sont conditionnés par la conviction partagée que Westphalie ne met pas fin à l'état de guerre générale qui caractérise l'Europe mais ouvre plutôt sur une nouvelle période d’incertitude géopolitique et confessionnelle. Une fois ce cadre fixé, l'analyse micropolitique de la protestation pontificale face à la paix met en exergue le caractère contingent de la condamnation pontificale des traités. Loin d’être le résultat nécessaire d'un siècle d’intransigeance confessionnelle, elle se construit au contraire dans l'urgence des négociations. D’abord fragile, elle finit, grâce à l’activité efficace du médiateur pontifical Fabio Chigi, par être exaltée comme la seule réaction possible du pontife romain, juge et docteur universel. Il est toutefois démontré que la protestation pontificale n’étouffe pas la pluralité des réactions pontificales à la paix de Westphalie. Depuis les cours où ils résident, les autres nonces apostoliques proposent en effet des interprétations multiples, davantage déterminées par le contexte socio-politique de chaque lieu de résidence que par un positionnement théologique ferme de la curie. Ce travail prouve qu'au milieu du XVIIe s., la papauté n'est nullement exclue du système européen. Les envoyés du Saint-Siège élaborent l'image d'un monde en ruine auxquels 1648 n'apporte qu'un remède limité, ce qui autorise et légitime tout en même temps l’activité pacificatrice du Padre comune. À l’heure de la glorification de l’autorité universelle du pontife romain, fruit du concile de Trente, la médiation de paix apparait ainsi comme une ressource symbolique et diplomatique particulièrement souple au service de l’interventionnisme de Rome auprès des souverainetés laïques.