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Abstract :
[fr] 1.
Je voudrais prendre (à mon tour) le contre-pied d’une conception « légère » de l’imaginaire et contribuer à montrer à quelle nécessité et même à quelle urgence (politique) peuvent répondre les productions de l’imaginaire. En particulier je défendrai l’hypothèse générale suivante : l’imaginaire offre des outils pour se rapporter à des complexités temporelles – ou à des phénomènes de hantise – dont sinon on sort difficilement indemne.
2.
J’ai commencé à travailler ces dernières années sur le « faire tableau » (l’opération de faire tableau dans ses déclinaisons larges – tableau pictural, historique, littéraire, et même tableau vivant) dans la séquence de la révolution française de 1789. Ces recherches s’inscrivent dans le champ de ce qu’on peut appeler la « poétique de l’histoire ». Elles visent notamment à décrire la complexité temporelle des opérations de construction de représentations liées à l’événement révolutionnaire. Décrire cette complexité suppose parfois (et même peut-être la plupart du temps) un écart ou un décalage avec les facilités du recours à un modèle linéaire. En effet, les événements violents/traumatiques d’une culture produisent des « discordances temporelles » ou des séquençages singuliers intéressants à étudier ; ce sont des périodes typiques de production de temps impurs, d’accords impossibles (on n’est pas ajusté, on ne s’y retrouve pas exactement), de réception ralentie (on a compris trop tard ; les lendemains ne sont pas faciles à négocier), d’anachronismes, etc. Une question obsédante pour ces recherches tient au problème de la contemporanéité : comment être (non-)contemporain de ce type d’événement ? (être non-contemporain peut s’avérer – on le voit avec Michelet – tout aussi compliqué : « je n’y étais pas », et pourtant j’y étais pleinement). Et dans le contexte de cette enquête, répondre à la question de la contemporanéité suppose (hypothèse) de mobiliser le paradigme de la rivalité – qui m’intéresse beaucoup pour les affaires esthétiques, la production de représentations – y compris imaginaires – étant aussi soumise à des prétentions et des rivalités (pour le dire autrement : dans le champ de la production d’images on repère souvent une sorte de lutte pour la visibilité). Je voudrais tracer les contours d’un paysage problématique où les écrivains, les historiens et les peintres entrent dans une sorte de lutte pour être « le meilleur contemporain », le « contemporain le plus légitime » de la Révolution.