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Abstract :
[fr] Le narcissisme exponentiel de nos sociétés contemporaines, sans doute profondément égotiques, serait directement lié (voire découlerait) de notre rapport boulimique aux images, à nos images. Le philosophe Byung-Chul Han ouvre son livre "L’expulsion de l’autre" en énonçant cette position critique radicale : « Le temps où l’autre existait est révolu. L’autre comme mystère, l’autre comme tentation, l’autre comme éros, l’autre comme enfer, l’autre comme douleur, tout cela disparaît. La négativité de l’autre laisse aujourd’hui la place à la positivité de l’identique »(7). Mais quel rôle jouent les images dans cette marche vers l’isolement (vers un monde sans Autre) ? Selon l’analyse du philosophe-théoricien de la culture, qu’il partage avec d’autres, les images telles qu’elles nous sont servies par la société de consommation nous gavent de ce qui nous plait, rencontrent de façon très ajustée nos goûts, appauvrissent l’expérience (autrement dit rétrécissent l’horizon empirique) en nous ramenant à ce qui est toujours et inlassablement « identique à soi-même » (11). Les images – qui ne sont jamais que des reflets – auraient par essence vocation à favoriser « la terreur de l’identique » en expulsant l’altérité. On cerne sans difficulté le problème que poserait ce phénomène culturel : éliminer l’étrangeté de l’autre (barrer son énigme), dans un obscène « accouplement du même au même » (Byung-Chul Han reprend ici une formule de Baudrillard) ne peut que clore le consommateur d’images (au passage comparé à un bovin) sur lui-même, le privant de toute négativité, et par là-même de tout mouvement. Les images seraient alors les manifestations directes de notre désir narcissique de s’approprier le monde – les individus narcissiques : obsédés par l’idée de se regarder, de se saisir, de se gaver, de se gonfler de leur image.
Or peut-on se satisfaire de ce constat (qui s’appuie je crois non seulement sur une acception pauvre du narcissisme mais sur une ontologie défaillante de l’image) ? Les images sont-elles si confortables ou rassurantes pour celui qui les regarde, y compris lorsqu’il s’agit d’images de lui (éventuellement même « autoproduites », c’est-à-dire « maitrisées ») ? Je voudrais bousculer un peu cette idée. Que sait-on finalement du rapport des narcissiques à leur(s) image(s) ? Je serais tentée par l’hypothèse suivante : il n’est pas dit que les grands narcissiques soient ceux qui parviennent le mieux à se regarder. Ce serait trop simple. Il y a là une évidence qui ressemble à une facilité.
Event organizer :
G. Sauvage (FRESH, FR.S.-FNRS), E. Nerinckx (ULB), G. Cormann, J. Englebert (Séminaire de philosophie clinique et philosophie des sciences humaines)