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Abstract :
[fr] Ce chapitre d’ouvrage collectif portant sur la notion d’inconscient (en philosophie, en psychanalyse et dans les sciences sociales) étudie l’évolution des sciences sociales françaises à travers trois de ses principales figures (Durkheim, Mauss, Lévi-Strauss) en prenant pour fil conducteur l’idée d’inconscient social. L’idée d’inconscient social renvoie à l’hypothèse selon laquelle le psychisme dans sa dimension inconsciente n’est pas seulement le lieu propre où s’est sédimentée une histoire singulière, mais aussi l’ancrage secret du social dans l’individu, qui le fait penser, ressentir, dire, ou faire certaines choses. Le social agirait ainsi sur l’individu, et à travers lui sur les autres individus, par la médiation de la part inconsciente de son psychisme. La formule d’inconscient social, employée par certains commentateurs (Karsenti, Mucchielli), n’est certes revendiquée comme concept par aucun des trois auteurs, mais le problème auquel elle renvoie semble travailler les trois œuvres et conduire à chaque fois au cœur de leur manière de penser la détermination sociale de l’individu. Chez Durkheim, l’idée d’inconscient social se lit plutôt en creux : si la détermination sociale de l’individu est certes très largement inconsciente, le sociologue tient cependant à maintenir une séparation stricte entre la dimension psychique du social (la société comme entité « hyper-spirituelle ») et l’individu socialisé dans sa dimension psychique – ce qui l’amène à poser une opposition absolue entre individu et société, que la notion d’inconscient social aurait pu aider à surmonter. Le projet anthropologique de Mauss conduit en revanche le neveu de Durkheim à tenter, au sein de sa théorie de l’homme total, de faire se rejoindre la dimension psychique du social et la dimension sociale du psychisme, à travers une exploration des catégories sociales inconscientes de l’esprit humain. Mais c’est surtout Lévi-Strauss qui donne au concept d’inconscient, entièrement refondé à partir de l’idée de fonction symbolique, un rôle décisif pour penser la détermination sociale du comportement individuel.