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Abstract :
[fr] Qui a peur des Gender studies ? Enjeux et méthodes des études de genre en littérature.
Dans les universités belges francophones comme en France (Lasserre, 2016), les études de
genre continuent d’être marginales, et particulièrement dans le domaine des études
littéraires, une discipline elle-même dévaluée par les institutions universitaires, de plus en plus
soumises à des impératifs économiques et sociaux auxquels la littérature est, paraît-il,
étrangère. Longtemps, le gender est passé pour un américanisme insupportable, inutile et
même intraduisible (Fougeyrollas-Schwebel et al., 2003). Un tel évincement demeure
étonnant, au vu des liens que les études de genre entretiennent avec la littérature et la
recherche françaises. On sait combien le féminisme matérialiste a participé à l’appréhension
du genre en tant que constructon sociale (Delphy, 1975) en France et le rôle qu’a joué la
French Theory, tirée des travaux de Beauvoir, Derrida ou Foucault, dans la construction des
gender studies (Butler, 1990). C’est d’ailleurs une œuvre française, À la recherche du temps
perdu de Proust, qui a servi de matériau aux premières théorisations queer (Sedgwick, 1990).
De plus, l’existence d’une tradition francophone d’histoire des femmes et des homosexualités,
dont les études littéraires ont pu s’enrichir (Planté, 1989 ; Fernandez, 1989), aurait pu favoriser
l’accueil aux concepts anglo-saxons dans la discipline.
Dans ce contexte de paradoxes et de conflits à la fois théoriques et politiques, les
chercheur·ses francophones ambitionnant d’entrecroiser le genre et la littérature sont très
souvent confronté·es à deux problèmes, au moins. D’une part, il leur est nécessaire
d’appréhender des concepts épistémologiques et des procédés méthodologiques au
croisement de disciplines extralittéraires et de traditions linguistiques étrangères. Ainsi,
comment s’outiller adéquatement ? Quelles théories ou méthodes adopter pour produire, au
moyen des études de genre, de nouveaux savoirs sur la littérature ? De quels outils rhétoriques
et didactiques s’équiper pour justifier une telle démarche dans un champ académique qui
dévalorise ces savoirs en les réduisant à des partis pris idéologiques ? D’autre part, et à
l’inverse, il est indispensable à ces chercheur·ses de réfléchir aux pouvoirs de la littérature :
que peut-elle transmettre aux études de genre ? Si la littérature est « partie prenante d’un
travail des représentations […] où se produisent (se manifestent et se fabriquent) les conflits
relatifs aux normes de sexe et aux effets de pouvoir qui s’y attachent » (Lotterie, 2016), les
études littéraires, oubliées des études genre en francophonie, ne doivent-elles pas s’emparer
de ces questions pour enrichir originalement ce champ interdisciplinaire ?
Pour répondre à toutes ces questions, nous avons organisé deux journées de conférences,
tables-rondes et workshops adressés aux doctorant·es et étudiant·es en littérature (octobre
2021). Notre communication, à six voix, sera l’occasion d’opérer un retour critique sur cette
expérience, de tracer les contours de la recherche croisant genre et littérature en Belgique, et
d’envisager son avenir et ses potentialités.
BIBLIOGRAPHIE
Butler (Judith), Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, Paris, La
Découverte, 2005 [1990].
Delphy (Christine), « Pour un féminisme matérialiste », L’Arc, n°61, 1975, pp. 61-66.
Fernandez (Dominique), Le Rapt de Ganymède, Paris, Grasset, 1989.
Fougeyrollas-Schwebel (Dominique) et al., dir., Le Genre comme catégorie d’analyse.
Sociologie, histoire, littérature, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme », 2003.
Lasserre (Audrey), « Le genre et les études littéraires d’expression française (xxe-xxie siècle) en
France », dans Elfe XX-XXI, n°6 (A la lumière des études de genre, sous la dir. d’Ivanne Rialland
et Nathalie Froloff), 2016, pp. 7-20.
Lotterie (Florence), « Introducton », dans Littératures classiques, vol. 90, n°2 (Les voies du «
genre ». Rapports de sexe et rôles sexués (XVI e-XVIIIe siècles.), sous la dir. de Florence
Lotterie), 2016, pp. 5-19.
Planté (Christne), La Petite Sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur, Lyon, Presses
universitaires de Lyon, 2015 [1989]. Sedgwick (Eve), Épistémologie du placard, Paris, Éditions
Amsterdam, 2008 [1990].
Commentary :
Cette communication a eu pour objectif de présenter les réflexions et constats ayant résulté des deux journées de séminaire doctoral "Qui a peur des Gender Studies ? Enjeux et méthodes des études de genre en littérature" qui ont eu lieu les 1er octobre 2021 (ULB) et 15 octobre 2021 (ULiège). Cet évènement était organisé par Jossfinn Bohn, Bastien Bomans, Nicolas Duriau, Siân Lucca, Stéphanie Peel, Marie Viérin dans le cadre de l'Ecole doctorale ED3BIS/langues et lettres, subsidié par l'ULB (Faculté de Lettres, Traduction & Communication), l'ULiège (Faculté de Philosophie et Lettres), les UR Traverses (ULiège), CEREP (ULiège) eT Philixte (ULB) et soutenu par les responsables académiques Laurence Brogniez (ULB) et Bénédicte Ledent (ULiège). Le visuel et le programme de ces deux journées sont disponibles ici: https://drive.google.com/file/d/1PP3TMe8L6udotCxSIFQNVIX5d79sKpQA/view