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Abstract :
[fr] Jusqu'au début du XXème siècle, en pays kabyè, des têtes d'ennemis – hommes étrangers au groupe – étaient enterrées dans une butte de terre désignée par le terme "hude", signifiant "fumier". Cette butte est un espace détritique symbolique qui s'élève, dans chaque localité, à l’intérieur d’un sanctuaire boisé où siège l'esprit de l'ancêtre fondateur mythique. Pour comprendre cette pratique, la façon dont elle s'inscrivait dans la logique d'ensemble du cycle initiatique masculin est examinée, en la contextualisant par rapport aux pratiques passées et actuelles. Les initiants jouent un rôle d’importateurs d’éléments venus de la brousse recelant une puissance de rajeunissement bénéfique à la terre du village. L'introduction de la tête d'un ennemi dans un "fumier" qui représente le point d’ancrage premier du village parachevait le processus de mise en connexion des divinités du territoire et des initiants avec la brousse lointaine. Parce qu'elle était un élément de la brousse des plus ambivalents, la tête d'un ennemi renouvelait prodigieusement la puissance génésique contenue dans cette butte, nécessaire à la pérennité des hommes sur une terre. La maîtrise de l’ambivalence des forces sauvages, prise en charge en d’autres sociétés africaines par le chef à travers son tas d’ordures, est ici assurée par l’institution initiatique sous une forme paroxystique, à travers la manipulation de têtes ennemies réduites en un puissant déchet.