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Abstract :
[fr] Régulièrement, inlassablement, les critiques, les journalistes, les programmateurs, les enseignants, les publicistes et les cinéphiles incitent, parfois de manière péremptoire, l’amateur de cinéma à voir ou revoir un chef-d’œuvre du cinéma (muet, parlant ou chantant, de l’entre-deux-guerres ou des années 1970, américain, japonais ou polonais, du film policier ou du film d’auteur, inoubliable ou injustement oublié, longtemps resté invisible, honteusement censuré ou incroyablement déconsidéré à l’époque, etc., etc.). Quelles que soient ses qualités, ses origines, et ses destinées, le chef-d’œuvre est à voir. C’est un impératif.
Mais quelle est donc la rhétorique sous-jacente d’une telle évidence ? Le chef-d’œuvre est-il plus qu’un bon film ? Cumule-t-il, sous la forme d’un glorieux exploit, les différentes valeurs généralement apposées sur le film dit de qualité (la beauté, l’universalité, l’engagement, l’invention, l’émotion, la pensée, l’épiphanie, le zeitgeist, la subversion…) ? Ou procède-t-il d’une autre logique, à la fois exceptionnelle et relative, didactique et imaginaire, historique et sociologique ? Le chef-d’œuvre est-il d’ailleurs forcément un bon film ? Se confond-il avec le film-canon ou le film-culte ? N’est-il pas un outil conceptuel de domination idéologique forgé par la critique à des fins d’autolégitimation ? Et pourquoi Vertigo est-il le chef d’œuvre des chefs d’œuvre ? Et après tout, faut-il vraiment regarder les chefs-d’œuvre ? Et si en fin de compte, le seul chef-d’œuvre du cinéma, c’était son spectateur ?