No document available.
Abstract :
[fr] L’industrie cinématographique s’est emparée, depuis le début des années 2000, du catalogue des personnages de l’éditeur Marvel. Qu’il s’agisse de Sony, de la 20th Century Fox ou de Marvel Studios (aujourd’hui soumis, sous des régimes divers, à la domination de la firme Disney), la très grande majorité de ces films, avec des tonalités, des inclinaisons et des réussites diverses, ont conquis un très large public, bien au-delà de celui des amateurs de comics. Si quelques cinéastes reconnus comme des auteurs par la critique (Sam Raimi, Bryan Singer, Joss Whedon, James Gunn, les frères Russo...) ont marqué de leur empreinte singulière certaines de ces productions, elles constituent tout de même un ensemble d’une grande cohérence constituant, à n’en pas douter, un genre cinématographique aujourd’hui très codifié.
Ainsi, au-delà des réalisateurs et scénaristes de ces films, relativement interchangeables, c’est bien à une vision de producteurs que l’on est confronté, dont l’intelligence fut de cibler précisément son public adolescent avec pour stratégie d’ancrer solidement ces films à l’intersection des trois référents cruciaux que sont les comics, le cinéma d’action et le cinéma d’animation.
L’un des points communs à ces trois champs est l’imaginaire fantastique et fantasmagorique du corps des protagonistes. En effet, les films de super-héros systématisent un rapport au corps extraordinaire, en germe dans le cinéma d’action de la fin des années 80, et séduisent leur public par les promesses d’exploiter de manière spectaculaire les potentialités des corps insolites. Bien sûr, l’imaginaire de ces corps était préexistant au cinéma, mais ses capacités animatographiques permettent de le déplacer : c’est désormais moins le récit des exploits qui importe (au contraire des comics qui rapportent, à travers une écriture feuilletonesque et nombre de « cliffhangers », les épopées de ces héros surhumains) que la figuration même de la performance corporelle. Pour le dire autrement, c’est le corps qui devient le lieu même de l’exploit, et le spectacle de ce corps qui devient le programme même du film.
Dans ce cadre, il apparaît crucial d’étudier la composante animée de ces films. Il semblerait en effet que la logique transparente des effets spéciaux soit ici remplacée par celle, démonstrative et exubérante, du cinéma d’animation. L’esthétique très particulière du cinéma d’animation a bien sûr déjà largement servi la cause et la mise en scène super-héroïque (que l’on pense à la série Superman des studios Fleischer pour la Paramount au début des années 40, à la fameuse série télévisée consacrée à Batman et pilotée par Bruce Timm au début des années 90 pour la télévision, ou encore au succès récent et brillant de Spider-Man: Into the Spider-Verse de Persichetti, Ramsey et Rothman). Mais l’hybridation entre les régimes de la prise de vues réelles et l’animation, qui semble avoir déjà caractérisé, en 1948, le serial Superman mis en scène par Bennet et Carr, pose aujourd’hui de nombreuses questions d’ordre aussi esthétique qu’idéologique à cette production singulière. Cette intervention se propose de repérer et de définir toute une série de poétiques animées (de la métamorphose, de la transformation et de la substitution des corps) à travers l’analyse d’une série de séquences provenant, entre autres, des films mettant en scène les personnages de Spider-Man, des Avengers ou encore des Gardiens de la galaxie.