La convention de transaction : entre ombre et lumière, le régime juridique d’un contrat particulier

1. Le règlement des litiges qui opposent les individus constitue l’une des prérogatives les plus essentielles de l’Etat moderne. Il est, avec la répression des infractions et la préservation de l’Etat de droit, la fonction principale de l’ordre judiciaire.

Malgré le rôle essentiel que conserve le juge, les exigences d’efficacité et d’économie de notre époque ont toutefois, de longue date , conduit le législateur à accorder une attention particulière aux modes alternatifs de règlement des litiges et à insister sur le caractère subsidiaire de l’intervention des juridictions. La loi du 18 juin 2018 destinée à promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges l’a encore récemment illustré en insérant, entre autres nouveautés, un nouvel l’article 730/1 au sein de notre Code judiciaire. Cet article impose dorénavant explicitement au juge de « favorise[r] en tout état de la procédure un mode de résolution amiable des litiges », lui permet d’interroger les parties sur « la manière dont elles ont tenté de résoudre le litige à l'amiable avant l'introduction de la cause et les informer des possibilités d'encore résoudre le litige à l'amiable » et l’autorise, le cas échéant, à ordonner une remise, afin de leur permettre d’explorer cette possibilité.

S’il demeure une composante essentielle de notre système de règlement des litiges civils, le juge ne constitue partant (plus) qu’un ultime recours. Lorsqu’un litige survient, c’est aux parties concernées qu’il revient de s’entendre, le cas échéant au moyen des modes alternatifs de règlement des litiges qu’a consacrés le Code judiciaire . A moins qu’elles n’aient fait le choix de recourir à l’arbitrage ou à la tierce décision obligatoire, c’est donc la conclusion d’une convention de transaction qui constitue, plutôt que le jugement, l’issue naturelle de leur litige. Les autres modes alternatifs de règlement des litiges sont autant de voies pour y parvenir.

Les conflits semblant, malheureusement, être intrinsèques, si pas à l’espèce humaine, du moins à la vie en société, la transaction est partant un instrument juridique de première importance dans l’organisation des relations entre les individus. Comme nous le verrons infra, son régime juridique, ses effets et sa portée présentent cependant de nombreuses particularités et difficultés qui sont autant de risques de voir son effet pacificateur annihilé par la résurgence d’anciens litiges ou l’émergence de nouveaux. Ce régime, ces particularités et ces difficultés forment l’objet de la présente contribution.